Pendant longtemps, nous avons cru expliquer la société médiévale selon les trois ordres chers à l’historien Georges Dumézil. Selon lui, les sociétés indo-européennes s’organisent selon trois fonctions : la fonction religieuse, la fonction guerrière et la fonction économique. Mais cette division de la société, non qu’elle soit erronée, s’applique surtout à l’Ancien Régime et à la société du XVIIe et du XVIIIe siècle. Au Moyen Âge, les rapports entre les individus étaient beaucoup moins compartimentés. Des actes notariés médiévaux ont révélé que le seigneur d’un comté ou le curé d’une paroisse pouvait être témoin dans une transaction entre vilains. La mesnie d’un baron, c’est à dire son entourage, ses familiers, inclut facilement des serfs ou des moines. La séparation franche entre les trois ordres n’était pas aussi évidente. De plus, il n’était pas rare de voir un évêque exerçant aussi la fonction de seigneur, ou bien encore un bourgeois, ayant bien investi, se voir, dans certaines régions, anobli. Même si ce n’était pas courant, dans les faits, l’ascenseur social comme nous dirions aujourd’hui, était déjà possible. Ce qui était de moins en moins vrai au fil du temps.
Féodalité et chevalerie ont mis sous nos yeux la formation et le développement de grandes institutions nationales et de mœurs saines aux fécondes manifestations. Institutions et mœurs qui ont évolué séculairement dans la voie tracée depuis leur origine : ce qu’on nomme la tradition ; mais les temps évoluèrent.
D’autres tenteront de diviser la société médiévale entre privilégiés et non-privilégiés. Cette tentative n’est toujours pas fonctionnelle en ce qui concerne l’époque médiévale. Les privilèges existent aussi bien en bas comme en haut de l’échelle sociale. Un apprenti bénéficie des privilèges de sa corporation – par exemple il ne connaissait pas le chômage puisque sa corporation se chargeait de lui trouver un maître, quand l’étudiant ou le professeur de l’Université de Paris bénéficiaient des leurs comme par exemple une indépendance intellectuelle et juridique. Les serfs, groupe social si décrié sous la République française, bénéficient aussi de privilèges que leur seigneur sont obligés de respecter. C’est d’autant plus vrai que lorsque Louis X le Hutin, au XIVe siècle, voulut affranchir les derniers serfs du royaume, il n’était pas rare d’en voir refuser la proposition. Un serf ne pouvait pas être exclu de la terre du seigneur, alors en l’affranchissant, il s’exposait aux difficultés économiques propres aux indépendants.
L’organisation médiévale, les rapports sociaux, reposent alors sur autre chose : la famille. Là se trouve la clé de compréhension. D’ailleurs, la population d’un village se comptabilise non pas en nombre d’individus mais en nombre de “feux”, comprendre en foyer. Les coutumes, ou les lois de manière générale, se réfèrent toujours aux biens de la famille ou aux intérêts de la lignée, et quand la coutume s’adressaient à un groupe social plus large, une corporation par exemple, il s’agissait toujours de veiller aux intérêts du groupe, fondé sur les mêmes principes qu’une cellule familiale. Le baron médiéval, avant d’être un administrateur ou un chevalier, était un père de famille. Un chef regroupant autour de lui les individus faisant partie du domaine patrimonial. L’histoire de la féodalité, jusqu’au XIVe siècle, n’est autre que l’histoire de familles. Les barons ne placent pas un homme à leur tête, aussi valeureux soit-il, mais une famille. Hugues Capet fut choisi pour ses qualités certes mais aussi parce qu’il était de la lignée de Robert le Fort, l’homme s’était illustré entre autres dans la lutte contre l’invasion normande sur Paris. Albéron de Reims aura ces mots :
Donnez-vous pour chef le duc des Francs, glorieux par ses actions, par sa famille et par ses hommes. Le duc en qui vous trouverez un tuteur, non seulement des affaires publiques, mais de vos affaires privées.
Albéron de Reims
Le lignage Capétien s’est perpétré de siècles en siècle, de pères en fils, et les domaines se sont agrandis plus par mariages et héritages que par conquêtes. La société antique reposait sur l’individu alors que la société médiévale, qui lui a succédé, reposait sur la famille, et ce quelle que soit la couche de la société. C’est ainsi que la France a pu si rapidement et si facilement prospérer et demeurer si robuste au fil du temps.
Mais qu’est-ce que la famille ? La famille représente ceux qui vivent sous le même toit, ceux qui se chauffent au même foyer et ceux qui cultivent le même champ. La famille recueillait les enfants de leur défunts ou ceux de leur mesnie dans le besoin. La famille pouvait venger les injures faites à l’un de ses membres, ceci était d’autant plus vrai à l’époque où le pouvoir central était faible et où les invasions étrangères faisaient rage. Plus tard, l’Église interdira ces guerres privées.
Dans certaines provinces, particulièrement dans le Nord du royaume, la principale pièce de la maison illustre parfaitement cette solidarité et cette union familiale. La salle, pièce chauffée et éclairée par une grande cheminée, est le lieu où se déroulent les grands comme les petits événements du quotidien des familles : mariages, anniversaires ou encore veillées mortuaires. Le père de famille a la lourde tâche d’administrer cette mesnie. Il le fait non pas en despote romain, ayant droit de vie et de mort sur les siens, mais plutôt comme un gérant responsable et intéressé au développement de la famille. Il s’agit pour lui d’un devoir plus que d’un droit. Bien qu’il jouisse du patrimoine de sa mesnie, il n’en a que l’usufruit. Le véritable propriétaire du domaine familial n’est pas le baron mais la famille. La femme participe aussi activement à l’administration du domaine et à l’éducation des enfants. Si son époux venait à s’absenter, elle s’occupera de la gestion du domaine sans obstacles et sans demande préalable à son mari. Nul besoin de contrat à cette époque, tout se passe le plus naturellement du monde. Le bien de famille constitue la base de la notion familiale, la principale richesse de la lignée. Il est insaisissable et inaliénable. Quel que soit les revers que peut connaître la famille, elle ne peut pas le vendre et personne ne peut le lui enlever. C’est ainsi que les familles françaises se sont enrichies au fil des siècles.
Lorsque le père de famille vient à trépasser, le bien de famille passe aux mains de ses héritiers directs. La mort du père avait valeur de titre de propriété, comme le disait l’adage de l’époque : “le mort saisit le vif”. La règle, quel que soit la coutume et la province, est toujours la même :
On ne recueille un héritage qu’en vertu d’un lien naturel qui vous unit au défunt.
La coutume
Dans la noblesse, il s’agissait de l’aîné de la famille, ce qu’on appelle le droit d’aînesse, car la maturité et l’expérience étaient de rigueur pour administrer correctement le bien familial. Chez les roturiers, cela dépendait des provinces même si généralement le bien revenait à l’aîné. Par contre, en Picardie, en Artois, dans le Hainaut ou dans certaines parties de la Bretagne, c’était le plus jeune de la famille qui en héritait, ce qu’on appelle le droit de juvégnerie. Le raisonnement était tout autre : l’aîné était presque toujours marié le premier et partait s’établir ailleurs, par conséquent, le dernier de la fratrie était celui qui allait rester le plus longtemps avec ses parents vieillissants et dépendants. C’est toute la beauté de l’époque médiévale : l’adaptabilité en fonction des hommes, des lieux et des coutumes. La seule chose qui importe aux familles est de ne pas laisser le patrimoine s’affaiblir d’années en années.
Quelque soit l’héritier, l’administration du bien de famille se trouve toujours assurée dans le temps. L’homme médiéval craignait le morcellement de son patrimoine, représentant pour lui une source de conflits et un obstacle au développement de la lignée. La famille constitue une véritable personnalité morale et juridique, possédant en commun les biens, eux-mêmes administrés par le chef de famille.
La France est l’œuvre de ces milliers de familles enracinées. La multitude de ces petits foyers fera émerger plusieurs lignées illustres et ce, pendant des siècles durant. Car il ne faut pas oublier que l’histoire de la famille capétienne, aussi glorieuse soit-elle, n’est que l’histoire d’une famille parmi tant d’autres. L’exemple de la famille de Robert Guiscard en est un autre. Fils d’un petit seigneur normand, Robert faisait partie d’une famille pauvre et nombreuse. Un jour, accompagné de ses frères et animé par une volonté de faire briller son nom, sa lignée, Robert migra vers la Sicile où sa puissance militaire était recherchée. Grâce à son intelligence et à sa bravoure, il finit par en devenir le roi et par fonder une dynastie puissante. Voilà un exemple typique de ce que permettait l’époque. Robert Grand, professeur à l’Ecole des Chartes résume la famille médiévale ainsi :
La famille coutumière formait des pionniers et des hommes d’affaires, tandis que la famille romaine donne naissance à des militaires, à des administrateurs et à des fonctionnaires.
Robert Grand
La France fut construite sur la base du droit coutumier. Même si au sud de la Loire le droit écrit prévalait beaucoup plus que dans le nord, il ne faut pas, bien évidemment, en conclure au retour du droit Justinien en pareilles contrées. Tout au long du Moyen Âge, la France a gardé intactes ses coutumes familiales et ses traditions domestiques. Ce n’est qu’à partir du XVIe siècle, sous l’influence des légistes, que le droit romain commença, petit à petit, à gagner les cœurs et les institutions. Quelques exemples : la majorité revient à vingt cinq ans, comme dans la Rome antique. Le mariage, considéré pendant des siècles comme un sacrement, comme l’adhésion de deux volontés libres, se voit alourdi par l’élaboration d’un contrat à l’intérieur duquel s’ajoutent des considérations purement humaines et matérielles. Une organisation étatique, qui va mener à la Monarchie absolue, s’installe progressivement. Le père de famille, autrefois administrateur et gérant d’un domaine familial, va concentrer en ses mains un pouvoir exorbitant.
La Révolution représente l’aboutissement de cette longue décrépitude de la famille française et non le point de départ. Au début du XIXe siècle, Napoléon enfonça le clou, il institua le Code civil, renouant plus que jamais avec le droit romain. Les familles étaient suffisamment fragilisées moralement et économiquement que le divorce, l’aliénabilité du patrimoine, ou encore l’établissement du droit de succession purent s’établir et se répandre avec facilité. Les libertés des provinces laissaient la place à la centralisation du pouvoir. La famille constituait autrefois une sécurité morale et matérielle utile au développement des individus, mais désormais, privée de ses anticorps naturels, elle se révélera être un espace fragile et instable. L’individu, esseulé, coupé de sa mesnie qui autrefois le défendait contre l’ennemi, ne peut plus lutter contre ses adversaires.
Comment peut-on imaginer que le droit romain, forgé par des militaires et des légistes pour des citadins, puisse être fécond sur une terre régi par des siècles de droit coutumier, et façonné par l’expérience des générations ? La coutume représentait les mœurs de nos ancêtres constatées et formulées juridiquement. L’Antiquité évoque Rome quand le Moyen Âge évoque l’Île-de-France, l’Antiquité évoque une cité urbaine quand le Moyen Âge évoque une contrée rurale. Celui que l’on appelait manant autrefois – c’est-à-dire celui qui demeure – se fait désormais appelé citoyen – c’est-à-dire le membre d’une cité.
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