Comment vivait-on à la cour de Versailles ?

En 1661, le 10 mars pour être précis, Louis XIV prend une décision importante dans sa façon de gouverner ses sujets. Le souverain, du haut de ses vingt trois ans, décide de gouverner seul sans ministres à ses côtés. Cette décision importante intervient le lendemain de la mort du cardinal Mazarin, grand homme d’État français. Pour l’aider malgré tout, il souhaite s’entourer d’hommes non plus choisis en fonction de leur bonne naissance mais plutôt en fonction de leurs compétences. Un mode de gouvernement plus centralisé va alors débuter au royaume de France avec notamment l’envoi d’intendants en province dont le rôle sera de représenter le roi. La devise royale est la suivante : “Nec pluribus impar“, que l’on peut traduire par “à nul autre pareil“.

Versailles, qui n’était qu’un simple relais de chasse sous le règne de Louis XIII, va entrer dans une autre dimension sous l’impulsion de Louis XIV. Il va entamer les premiers travaux dès 1662. Les ambitions du roi sont telles que le château connaît des travaux permanents jusqu’à sa mort en 1715.

Face à un tel bâtiment, l’organisation de la vie au château est très codifiée : le roi, par exemple, vit dans la partie centrale du château où trois appartement lui sont réservés et à la famille royale. Les appartements les plus proches de ceux du roi sont réservés aux princes de sang et à la haute noblesse. Ensuite, plus éloigné encore, la plus petite noblesse et ainsi de suite. Certain jours, s’y pressent plusieurs milliers de personnes. Une véritable société se forme. Louis XIV gouverne depuis Versailles, entouré de ses deux fidèles hommes d’État, Louvois et Colbert. Le premier réforme l’armée et remporte de véritables succès militaires quand le second réorganise l’administration et les finances du royaume de France.

Comment s’organise la vie de cour à Versailles ?

Héritées du règne de Henri III, Louis XIV va rapidement imposer l’étiquette à la cour de Versailles. La noblesse devra se conformer à des règles de préséance tacites mais strictes. Chaque journée est codifiée. Madame Palatine partage avec sa tante, en 1676, quelques exemples :

“D’abord je suis allée à Versailles, où nous étions occupés toute la journée. Depuis le matin jusqu’à trois heures de l’après-midi, l’on chassait ; en revenant de la chasse, on changeait de costume et l’on montait au jeu, où l’on restait jusqu’à sept heures du soir ; puis on allait à la comédie, qui ne finissait qu’à dix heures et demie du soir; après la comédie, on soupait ; après le souper venait le bal qui durait jusqu’à trois heures du matin, et alors seulement on allait se coucher.”

Lettre de Madame Palatine à sa tante Sophie, 14 décembre 1676

Louis XIV favorise les arts à Versailles

Rapidement, Versailles devient la résidence principale du roi de France, deuxième capitale du royaume. Des artistes éminents du monde entier s’y rendent pour briller. Le lieu est une véritable ville où se côtoient les plus éminents personnages du royaume et d’Europe. La cour investit les lieux dès 1682.

Dans ses Mémoires, Saint-Simon décrit les lieux ainsi :

” Non seulement Louis XIV était sensible à la présence continuelle de ce qu’il y avait de distingué, mais il l’était aussi aux étages inférieurs. Il regardait à droite et à gauche à son lever, à son coucher, à ses repas, en passant dans les appartements, dans ses jardins de Versailles, où seulement les courtisans avaient la liberté de le suivre ; il voyait et remarquait tout le monde ; aucun ne lui échappait jusqu’à ceux qui n’espéraient pas même être vus. Il distinguait très bien en lui-même les absences de ceux qui étaient toujours à la cour, celles des passagers qui y venaient plus ou moins souvent ; les causes générales ou particulières de ces absences, il les combinait, et ne perdait pas la plus légère occasion d’agir à leur égard en conséquence. C’était […] une disgrâce sûre pour qui n’y venait jamais, ou presque jamais.”

Saint-Simon – Mémoires, 1700

Le roi Louis XIV aime les arts. Il les aime tellement qu’il les soutient sur sa propre cassette. Molière, Lully, Racine ou encore Le Brun jouissent des largesses royales. Versailles est la plus renommée des scènes artistiques. On y joue des comédies, des opéras, des tragédies etc. La politique artistique qu’il a menée résonne encore aujourd’hui ; l’Académie royale de danse fut créée en 1661, l’Académie de France à Rome en 1666, l’Académie royale d’architecture en 1671 et enfin l’Académie d’Opéra en 1669 (elle deviendra l’Académie royale de musique en 1672).

Louis XIV favorise la science à Versailles

Le roi aime et favorise l’art mais également la science. Le palais-ville de Versailles est un véritable laboratoire scientifique où des recherches multiples ont lieu. En 1666, le Roi-Soleil fonde l’Académie royale des sciences. Les arts et la science, les deux axes principaux de sa politique culturelle, favorisent l’exaltation du pouvoir royal. Ainsi est né ce que l’Histoire appellera le “Siècle de Louis XIV”.

Le quotidien du roi était minuté. Dès son lever, et ce, jusqu’au coucher, Louis XIV respecte un programme strict. Les officiers du roi sont eux aussi tenus de respecter une telle précision dans les horaires afin de planifier correctement leur travail. Ce qui fit dire à Saint-Simon, mémorialiste du roi :

Avec un almanach et une montre, on pouvait, à trois cents lieues de lui, dire avec justesse ce qu’il faisait.

Duc de Saint-Simon

La journée de Louis XIV – heure par heure.

8h30. Le roi de France se lève, sa journée peut commencer, ses courtisans assistent à son lever. Dans cette société très codifiée, les moindres faits et gestes royaux étaient épiés par les hommes et femmes de la cour. Le premier valet de chambre réveille doucement le roi et commence à préparer la chambre. Une fois le roi bien réveillé, des médecins l’examine et s’assurent que le roi est en santé. Puis débute un défilé de courtisans : tout d’abord les familiers, puis vient les officiers et enfin les favoris peuvent entrer à tour de rôle dans la chambre du roi. Louis XIV effectue ensuite un brin de toilette et enfin se lève de son lit. Interviennent à ce moment là barbiers et perruquiers. Le protocole se termine par l’habillement du roi devant quelques courtisans.

10h00. Le roi commence sa journée en assistant à la sainte messe à laquelle le roi attache beaucoup d’importance. N’oublions pas que Louis XIV, au même titre que les autres souverains, était « Roi Très-Chrétien » ou encore de « Fils aîné de l’Église ».

11h00. La journée débute par les Conseils – ce qui signifie des réunions ayant pour but de parler des affaires du royaume. Le lundi tous les quinze jours, mercredis, jeudis et dimanches se déroulaient les Conseil d’État. Les mardis et samedis étaient consacrés aux Finances. Enfin, les vendredis étaient réservés aux affaires religieuses. Les affaires intérieures étaient évoquées un lundi sur deux.

13h00. Le roi se met à table, seul, dans sa chambre. Le roi profite de ce petit moment de tranquillité entouré de quelques personnes seulement. Le roi, qui a très bon appétit, pouvait passer un très long moment à table. Le temps de la digestion, le roi-soleil en profite pour rendre visite à ses maîtresses parmi lesquelles la duchesse de La Vaillière, la marquise de Montespan ou encore Mme de Maintenon. Cette dernière passera de maîtresse à épouse à la mort de Marie Thérèse d’Autriche.

Après-midi. Le roi consacre ses après-midis aux loisirs tels que la chasse qu’il affectionne particulièrement. Il chasse à Marly ou encore dans les forêts proche de Versailles. Sa journée était également occupée à des balades dans les jardins du château en compagnie de ses familiers comme par exemple le célèbre jardinier Le Nôtre.

Versailles : un lieu de plaisir et de fêtes

Soir. Versailles rime avec plaisir et fêtes, et à la cour, elles étaient nombreuses. Le fils du roi à la charge d’organiser ces festivités d’intérieur comme les soirées d’appartement. Le dîner prend l’allure d’un grand buffet agrémenté de moult distractions comme le théâtre, les jeux d’argent ou bien des soirées déguisement. C’est au cours de ce genre de soirée que Louis XIV est arrivé en soleil, ce qui lui valu ce sobriquet bien connu.

Tous les jours des plaisirs, comédies, des musiques, des soupers sur l’eau. On joue tous les jours dans l’appartement du roi.

Mme de Sévigné

Au cours de ces divertissements, l’étiquette royale était ponctuellement oubliée.

Les fêtes appelées « plaisirs »

Louis XIV ne s’est jamais caché du caractère politique de ses grandes soirées. Le but était clair : rappeler la toute-puissance royale. La première d’entre elles s’intitula : Plaisirs de l’île enchantée et se déroula en 1664. Au cours de cette soirée, ce sont pas moins de 600 personnes présentes dans son palais. Initialement prévue pour honorer sa mère, Anne d’Autriche et sa femme, Marie-Thérèse, la fête fut surtout l’occasion pour le roi de passer de bons moments avec sa maîtresse. Au cours de cette soirée, Molière a joué le Tartuffe et à 22h00, le grand couvert fut dressé dans une grande salle. Il faut s’imaginer les repas à cette époque. Personne ne parlait à table. Il régnait un silence étourdissant.

22h30. Fin de la journée. Le roi se couche entouré des siens pour un dernier moment d’intimité.

L’hygiène à Versailles

Au château de Versailles, nous l’avons dit et redit, le faste et les dorures étaient de rigueur. Mais qu’en était-il de la propreté et de l’hygiène ? Louis XIV, au même titre que ses proches, était un souverain sale. Et le château n’était pas, et de loin, l’endroit le plus propre du royaume ! Il n’était pas rare de voir des courtisans se soulager derrière un escalier… Contrairement au Moyen Âge, au temps de Louis XIV on ne se lave guère, et pour cause, les médecins considéraient les bains comme des portes d’entrée des microbes dans l’organisme. Par conséquent, une odeur accompagnait le roi si bien qu’il ouvrait systématiquement les fenêtres de la pièce dans laquelle il entrait pour ne pas incommoder ses courtisans.

Le matin, lors de sa toilette, le roi se passait un peu d’eau sur le visage, enfilait une chemise propre et s’aspergeait généreusement de parfums pour masquer l’odeur désagréable de son corps. Le lit du roi n’était pas mieux ; il n’était pas rare de voir des puces sauter sur le lit. A sa mort, en 1715, le roi était devenu un vieillard qu’il était difficile de regarder sans éprouver un peu de dégoût.

Ce qu’il faut retenir de ce que fut Versailles

Versailles représentait et représente encore dans l’esprit de tous un lieu de pouvoir où le luxe et les dorures sont légion. Une véritable contre société, par la volonté du roi, existait à Versailles où près de 5000 nobles vivaient. Versailles concentrait tous les pouvoirs mais aussi tous les plaisirs les plus fins du temps. Ses successeurs, Louis XV et Louis XVI, dans une autre mesure, ont perpétué cette vie de cour. Rapidement, avec l’arrivée des difficultés financières, le faste de la cour de Versailles s’estompait progressivement. Pour un Français ou pour un étranger, Versailles restera à jamais associé au roi-soleil, à Louis XIV.