Sainte Jeanne d’Arc – Abbé Grossin 2022

La Communion de la Guerrière


C’était une belle et brillante chevauchée au clair soleil de juin 1429. Grisés par l’enthousiasme du succès, les soldats devisaient du siège d’Orléans et des autres victoires qu’ils venaient de remporter le long de la Loire. Jeanne marchait au milieu de sa troupe, entourée du duc d’Alençon, de Dunois, du connétable Arthur de Richemont, de la Hire, de Xaintrailles, des petits Guy et André de Laval et autres gentilshommes. Avec eux, sur une paisible haquenée, se prélassait Frère Pasquerel, aumônier de la Pucelle.

Tout à coup des éclaireurs arrivent à franc étrier. Ils annoncent que Falstaff et Talbot approchent et qu’ils seront en vue dans deux heures.

— Il est trop tard, dit Jeanne, pour les attaquer ce soir. Réservons-nous pour demain : nous aurons une grande bataille. Messeigneurs, avez-vous de bons éperons.
— Eh quoi ! Jeanne, cria La Hire, tournerons-nous le dos ?
— Nenni, en nom Dieu ! Ce sont les Anglais, et nous aurons bien de la peine à les suivre.
— Les atteindrons-nous ?
— Oui, fussent-ils pendus aux nues. Le gentil roi remportera la plus belle victoire de son règne.
— Noël ! Noël ! s’écrièrent les chevaliers et les soldats.

Puis ils se mirent à chanter des refrains populaires. Jeanne les laissa faire. Mais, après quelques couplets, elle passa le long des rangs en disant : « Mes amis, chantons le Veni Creator Spiritus. Nous aurons besoin demain de force et de lumière. » Et pendant que retentissait le pieux cantique, Frère Pasquerel allait en tête déployant l’étendard sur lequel le Roi du ciel bénissait la France que saint Michel et saint Gabriel lui offraient sous la figure d’un lis. Après l’Amen, la Pucelle invita ses hommes à se confesser et à communier le lendemain matin, car, leur dit-elle, plusieurs d’entre vous paraîtront devant Dieu dans la journée. Le lendemain donc, de très grand matin, Jeanne, entourée de l’élite de son armée, entendait la messe de Frère Pasquerel. Elle déposa son épée avant de s’approcher de l’autel.
Revenue à sa place, elle s’abîma dans son action de grâces, et le duc d’Alençon qui avait communie à côté d’elle s’aperçut qu’elle pleurait. Elle disait au Christ :

— Vous êtes le Dieu de la Victoire. Je ne suis qu’une pauvrette sans génie ; c’est vous qui avez tout fait à Orléans, à Jargeau, à Meung, à Beaugency. Secourez-moi en cette journée. Vous êtes le Dieu de la vaillance ; c’est vous qui
faites les héros. Soutenez mes hommes dans la bataille.