Ceux-là même qui voient dans l’Église une société parfaite et complète, ayant pour fondement la foi et pour obligation la conservation de cette foi par les voies dont toute société dispose, ceux-là même trouvent imprudent et inopportun de rappeler des principes qui semblent ne pouvoir se réclamer que d’une intolérance funeste. Ils s’étonneront, à n’en pas douter, que j’aie choisi un tel sujet d’étude : l’Inquisition.
Il convient de faire observer que l’aveu avait un double objet : les différents cas de l’hérésie ou fautes personnelles, ou bien les cas d’hérésie chez les autres. Le prévenu était invité à dire ce qu’il savait de lui-même et aussi ce qu’il savait des autres ; il le jurait même. L’inquisiteur David d’Augsbourg en a traité. Il indique quatre moyens. Vraisemblablement il en avait fait ou vu l’emploi.
1° La crainte de la mort. C’est-à-dire qu’on faisait entrevoir au prévenu, s’il n’avouait pas, la condamnation suprême ou le bûcher ; au contraire, s’il consentait à parler, il recevait la promesse d’échapper à un tel supplice.
2° Le cachot plus ou moins rigoureux, aggravé par une nourriture parcimonieuse, la menace que des témoins déposeront contre lui et qu’alors il ne pourra pas se sauver, et aussi l’éloignement de tous complices capables de l’encourager dans ses dénégations.
3° La visite de deux hommes sûrs, fideles et providi jugés aptes à l’amener par de bonnes paroles à faire des aveux.
4° La torture. C’était le moyen qui appartenait à la justice séculière. Puisque sa compétence et son autorité avaient été admises en ce qui regardait la peine suprême pour l’édicter et l’appliquer, il fallait bien admettre son intervention dans l’instruction et l’aveu, si elle était jugée nécessaire. David
d’Augsbourg appelle la torture judicium seculare. Trop de gens se figurent que la torture est d’origine inquisitoriale, qu’elle appartient en propre à l’Inquisition et que celle-ci en porte la responsabilité devant l’histoire. C’est beaucoup d’ignorance. Je ne me permettrai pas d’insister ici. Ailleurs, j’ai fait remarquer que « les auteurs les plus autorisés admettent qu’elle est étrangère au droit canonique ». La torture a son origine dans le droit civil, puisqu’elle était employée à Rome. Elle fut interdite dans les tribunaux ecclésiastiques ; elle y resta interdite, hormis dans la cause d’hérésie, où Innocent IV l’autorisa en 1252, vingt ans après l’établissement du fameux tribunal ; la constitution fut renouvelée et confirmée le 30 novembre 1259 par Alexandre IV et le 3 novembre 1265 par Clément IV. C’est vrai ; mais il est égale-
ment vrai que le Saint-Siège ni ne la créa à l’usage de l’Inquisitio haereticae pravitatis ni ne l’imposa.
Des historiens attribuent l’établissement de l’Inquisition à l’influence du droit romain. Cette erreur a pour cause principale cette idée préconçue que la torture provient de l’Inquisition. Du moins on sera assez porté à admettre cette influence en ce qui regarde l’introduction de la torture dans les tribunaux de l’Inquisition déjà existants. L’hérésie n’était-elle pas considérée comme un crime de lèse-majesté divine ? Puisque donc à Rome on appliquait la question aux prévenus du crime de lèse-majesté humaine, pourquoi la repousser ?
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