Pendant son séjour à Saint-Jean d’Acre, saint Louis reçut un matin, au sortir de la messe, une bien curieuse ambassade, celle d’Ala-ed-Din, plus connu sous le nom de Vieux de la Montagne. Ce despote régnait sur une population d’environ soixante mille habitants et possédait une dizaine de châteaux dans la région de Tortose, sur le versant occidental du Liban, au Nord de Tripoli. Les fanatiques qui le reconnaissaient pour roi l’appelaient l’envoyé de Dieu (la secte, d’origine persane, remontait à la fin du XIe siècle). Ala-ed-Din élevait les enfants les plus robustes parmi ses sujets, de manière à obtenir d’eux une obéissance aveugle. Pour bien les convaincre que cette obéissance leur assurerait, après leur mort, toutes sortes de délices, il leur en donnait un avant-goût en les introduisant de temps à autre dans un jardin merveilleux, après les avoir enivrés au moyen d’une boisson composée avec le hachich, ou chanvre indien, ce qui fit donner à la secte le nom d’Assassins. Au bout de quelques jours passés dans les plaisirs, ces jeunes gens étaient de nouveau enivrés par le même moyen et retirés du séjour enchanteur dont le souvenir laissait une vive empreinte dans leur imagination. A vingt ans, ils étaient jugés capables par leur chef d’aller exécuter de par le monde ses volontés, n’importe lesquelles. C’est ainsi que le Vieux de la Montagne, en 1237, avait envoyé en France deux sicaires pour tuer saint Louis ; puis, ayant changé d’avis, deux autres délégués chargés de dire au roi de se garder du danger. Louis IX ayant découvert les premiers émissaires, grâce aux renseignements fournis par les seconds, les avait renvoyés tous les quatre chargés de présents. J’ai dit que l’ambassade déléguée par le Vieux de la Montagne avait un caractère insolite. Jugez plutôt. Les messagers se présentèrent devant le roi dans cet ordre: d’abord un cheik richement vêtu, puis un assassin armé de trois grands couteaux emmanchés l’un dans l’autre, symbole du sort réservé à Louis IX en cas de refus ; enfin un autre délégué, portant un linceul roulé autour du bras, pour signifier l’immédiate sépulture de celui que le poignard de son compagnon aurait frappé.
— Dites-moi la vérité sur votre mission, fit le roi au premier et principal messager.
— Mon Sire, le seigneur de la Montagne m’envoie savoir si vous le connaissez.
— Non, répondit saint Louis, car ne l’ai jamais vu, mais en ai entendu déjà parler.
Cependant, il eut garde de rappeler l’attentat dont il avait failli être victime treize ans auparavant.
— S’il en est ainsi, reprit le cheik, m’émerveille de ce que vous ne lui avez pas encore envoyé présents et joyaux, afin d’en faire votre ami, comme tous les ans en usent l’empereur d’Allemagne, le roi de Hongrie, le sultan de Babylone, d’autres encore, car sont certains ne vivre qu’autant qu’il plaira à mon Sire, le Vieil ; et si tel n’est votre plaisir lui envoyer présents, faites du moins relever le tribut envers le Temple et l’Hôpital Vous avertissons d’y bien et sérieusement penser.
Ainsi donc ce brigand fameux, devant qui les monarques tremblaient, ne pouvait rien contre les Templiers et les Hospitaliers, car le grand maître tué eût été remplacé aussitôt ; il avait même été contraint de leur payer tribut. Quand eut lieu la seconde audience, fixée à l’après-midi par le roi, celui-ci siégeait entre le maître de l’Hôpital, Guillaume de Châteauneuf, et le maître du Temple, Renaud de Vichiers. La présence des deux grands maîtres intimida le chef de l’ambassade qui n’osait pas répéter la fière harangue du matin. S’y étant enfin décidé, il reçut cette réponse de l’un des grands maîtres :
Votre Vieil est bien hardi, certes, d’oser mander si rudes paroles à roi de France ! Sans le respect que nous portons à ce roi, nous vous ferions très bien sur l’heure jeter dedans la mer, en dépit de votre Vieil. Or, retournez à lui et vitement et soyez revenu avant quinzaine, apportant à notre prince lettres et joyaux tels qu’il s’en tienne pour apaisé et vous en sache gré.
Les quinze jours n’étaient pas écoulés que les ambassadeurs reparaissaient à Saint-Jean d’Acre. Ils offrirent au roi comme présents un éléphant et une girafe en cristal, des jeux de trictrac et d’échecs, « toutes choses fleuretées d’ambre relié au cristal par de belles vignettes de bon or fin », un anneau d’or portant le mot Ala-ed-Din, d’autres joyaux, et enfin « la propre chemise du Vieil ostée sur sa personne ». « Ce dernier présent, dit le chef de l’ambassade, signifie que la chemise étant le vêtement le plus rapproché du corps, de même le Vieil de la Montagne veut tenir plus près en affection le roi de France que nul autre souverain au monde. »
Le roi, satisfait de cet acte de soumission, envoya lui aussi au Vieux de la Montagne des présents : vases d’or et d’argent, draperies d’écarlate, étoffes de soie. Il fit accompagner les ambassadeurs par le Fr. Yves, très versé dans la langue arabe. Après avoir mentionné cette ambassade, le continuateur anonyme de Guillaume de Tyr en signale une autre envoyée par Jean Ducas Vatatzès, qui s’était emparé de l’empire grec de Nicée à la mort de Lascaris, son beau-père. Mais l’auteur déclare : « Nous ne savons pas pour quoi ce fu.»
Nous non plus. Un des premiers soucis du roi de France dès son arrivée à Saint-Jean d’Acre avait été de hâter la délivrance des prisonniers. Nous avons vu comment Jean de Valenciennes fut envoyé en Egypte pour menacer les émirs d’une alliance avec Damas, au cas où ils négligeraient l’observation de la trêve. Les émirs envoyèrent à leur tour des ambassadeurs pour renouveler les conventions. Ceux-ci arrivèrent à Saint-Jean d’Acre le 17 octobre. Ils étaient accompagnés de Jean de Valenciennes et de deux cents captifs, dont quarante étaient chevaliers ou hommes d’armes du comte de Champagne. Joinville, Champenois, « aussi joyeux que possible de retrouver tels compagnons, les reçut tous chez lui, les fit revêtir de fines cottes et surtout de couleur verte », puis les présenta au roi, qui les prit aussitôt à son service.
Saint Louis déclara aux ambassadeurs qu’il ne ferait pas de nouvelle trêve tant qu’on ne lui aurait pas rendu les têtes des croises exposées depuis onze ans sur les murs du Caire, ainsi que les enfants chrétiens élevés dans l’islamisme. De plus, à cause de la violation du traité, il exigeait la remise des deux cent mille livres qui restaient à verser pour la rançon des malheureux prisonniers, morts presque tous de misère. Jean de Valenciennes se chargea de la négociation et revint à la cour d’Egypte. Celle-ci mit une réelle bonne volonté à relâcher les captifs, mais la chose n’était pas aisée. Beaucoup de prisonniers avaient été vendus à des particuliers; les députés du roi eurent toute liberté pour les rechercher et les racheter. A force de temps, saint Louis finit ainsi par obtenir la délivrance de la plupart des captifs, non seulement de ceux qui avaient été ses compagnons d’armes, mais encore de ceux qui avaient été faits prisonniers depuis le traité de Frédéric II avec le sultan Mélek-el-Kamel, en 1229.
Cependant, la guerre était déclarée entre le sultan de Damas et celui du Caire. Après un échec de ses troupes à Gaza (2 oct. 1250), le sultan de Damas partit lui-même en campagne vers le milieu de décembre et pénétra en Egypte, mais il fut contraint de reprendre le chemin de Syrie (2 fév. 1251). Pourtant, Nacer-Ioussouf, malgré sa défaite, contraignit les Egyptiens, qui avaient envahi la Palestine, à regagner le Delta (juillet. 1251).
Saint Louis profita du calme que lui laissait la guerre livrée en Egypte entre les deux sultans pour faire son pèlerinage à Nazareth. Il quitta Saint-Jean d’Acre le 23 mars i25i et alla, ce jour-là, coucher à Séphoris. Le lendemain 24, il visita Cana et le mont Thabor, et arriva le soir à Nazareth. Il avait jeûné pendant toute la journée au pain et à l’eau pour se préparer à visiter « la cité où messire Jésus-Christ avait été nourri ». Apercevant de loin la bourgade, il était descendu de cheval, s’était prosterné, et longtemps avait prié la face contre terre. Le 25, jour de l’Annonciation, il communia dans la grotte où s’accomplit le mystère et
assista à la messe pontificale célébrée par le légat du Pape. « L’office eut entièrement lieu à chant et déchant, avec accompagnement d’orgue et de trible. » Après avoir ainsi satisfait sa dévotion, le Saint regagna, le 28, Saint-Jean d’Acre ; il en partit le lendemain pour aller fixer, sa résidence à Césarée, dont les remparts avaient besoin d’une réfection urgente.
Source : Saint Louis en Palestine (1250-1254) [article]
L. Dressaire.
Comment Saint Louis est-il devenu la figure la plus admirée de l’histoire de France ? Il a été, au XIIIe siècle, le maître incontesté de toute la chrétienté. Son amour de la paix et de la justice en feront un souverain, déjà de son vivant, au prestige moral incontesté.
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J’aimerais vous remercier, car grâce à vous, je redécouvre (et étudie) avec joie la beauté de l’Histoire de la France, la grandeur de la Fille Aînée de l’Église (qui je l’espère, retrouvera ses lettres de noblesse et sa Foi).
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Des livres de qualité je recommande fortement pour les passionnés d’histoire de France
impeccable pour nos jeunes à qui l’éducation nationale supprime des pans entiers de notre histoire.
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