Cette doctrine a été mise en place par le pape Boniface VIII, au début du XIVe siècle (1302), dans sa bulle Unam sanctam, publiée à l’occasion du très important désaccord qu’il eut avec le roi de France Philippe IV le Bel. Elle a cependant été pensée dans un premier temps par saint Bernard de Clairvaux, au XIIe siècle, à l’époque des Croisades. « Remets ton épée [ton glaive] au fourreau : qui prend l’épée périra par l’épée » et :
« Remets ton épée au fourreau : Ne boirai-je pas le calice que mon Père m’a donné ? »,
peut-on lire dans les Évangiles de saint Matthieu (XXVI, 52) puis de saint Jean (XVIII, 11), dans un sens à l’origine tout différent : dans la doctrine des deux glaives, il y a l’idée de délégation du pouvoir temporel au pouvoir spirituel, avec la double finalité de donner, avant tout, la prééminence à l’Église (qui souhaite contrôler ou tempérer le pouvoir royal) et aussi de la protéger.
Saint Bernard compare ces deux couronnements de Notre Seigneur Jésus-Christ : celui rendu par les rois mages et celui adressé par les soldats romains :
« les rois se font des couronnes de ce qui leur est offert par les peuples qui leur sont soumis ; et comme l’or est le tribut qu’ils exigent de leurs sujets, de là vient aussi qu’ils ont des couronnes d’or. Mais que reçoit de nous notre Dieu ? Nous lui produisons sans doute pas autre chose que des épines c’est-à-dire des négligences et des lâchetés, des imperfections et des infidélités, des habitudes vicieuses et des attaches criminelles. »
Saint Bernard de Clairvaux
Aussi, le pouvoir spirituel possède-t-il un ascendant moral et politique sur le pouvoir temporel exercé par le prince en vertu duquel celui-ci préside aux destinées des hommes dans le respect strict des préceptes religieux. L’ascèse intramondaine de l’âme dans le royaume des cieux dépend, dans cette lecture, exclusivement du pouvoir spirituel, condition même de l’exercice d’un pouvoir politique temporel terrestre. La révolution luthérienne initiée au début du XVIe siècle, en révisant la doctrine théologique en vigueur dans les monarchies occidentales, aura pour conséquence un renversement paradigmatique du rapport de force entre le religieux et le politique. Dès lors, au rapport de subordination entre les deux pouvoirs se substitue une dichotomie dialectique empruntant à la doctrine des « Deux royaumes », dont l’un, le royaume terrestre, relève de la prérogatives exclusive du prince, et l’autre, le royaume du Ciel, relève de la compétence de l’église, dans un rapport d’exclusivité réciproque empêchant l’empiétement d’un pouvoir sur l’autre.
« Progressivement, en effet, la doctrine des « Deux glaives », selon laquelle le pouvoir spirituel est supérieur au pouvoir temporel, qui affirmait la compétence de l’Église dans les affaires séculières, cède le pas à celle des « Deux Royaumes » ou des « Deux règnes », le royaume du Ciel se distingue alors nettement du royaume terrestre, désormais de la compétence totale des Princes. Il reste à l’Église, qu’elle soit luthérienne ou catholique, l’unique responsabilité des âmes des fidèles, qui relève du domaine de la Grâce et de nul autre »
Cette doctrine des deux glaives est parfaitement exprimée par le pape Boniface VIII, dans la Bulle Unam Sanctam du 18 novembre 1302 :
« Les paroles de l’Evangile nous l’enseignent ; dans l’Eglise et en son pouvoir, il y a deux glaives, le spirituel et le temporel. Les deux sont au pouvoir de l’Eglise, le glaive spirituel et le glaive temporel. Cependant, l’un doit être manié pour l’Eglise, l’autre par l’Eglise. L’autre par la main du prêtre, l’un par la main du roi et du soldat, mais au consentement et au gré du prêtre. Il convient que l’autorité temporelle soit soumise au pouvoir spirituel ».
Pape Boniface VIII
Le pape Pie IX, le 8 décembre 1864, le rappela dans le Syllabus.
Quelques décennies plus tard, les ennemis farouches de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ, qu’ils soient athées virulent, libéraux ou encore de confessions autres, ont rejeté en bloc cette ascendance du spirituel sur le temporel. Les “catholiques” libéraux (doit-on rappeler le titre du livre de Don Félix Sarda y Salvany : “le libéralisme est un péché”),ont fini, eux aussi, par rejeté Notre Seigneur. Après le concile Vatican II, les antipapes qui se sont succédé ont abondé dans ce sens. En 1983, le “cardinal” Casaroli décrète l’abolition du Concordat avec l’état italien, car dit-il : « nous ne voulons pas de privilèges face aux citoyens des autres religions ». Karol Wojtyła (Jean-Paul II) déclare à l’époque : « notre société est caractérisée par le pluralisme religieux ». En plus d’être ouvertement hérétique, les conséquences furent terribles. Karol Wojtyła déclare qu’il ne convient plus « que l’autorité temporelle soit soumise au pouvoir spirituel ». Avec de tels amis, nul besoin d’ennemis.
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