Des écrivains du neuvième siècle, Éginhard est presque le seul dont le nom soit demeuré populaire. Malgré son importance comme ministre et historien de Charlemagne c’est moins à des titres si graves qu’à une aventure romanesque et probablement fausse qu’il doit sa célébrité. Personne n’ignore ses amours et son mariage avec Emma ou Imma, fille, dit-on, de l’empereur. Des romans, des poèmes, des pièces de théâtre, ont reproduit sous mille formes cette agréable histoire. Voici en quels termes la raconte, sans lui assigner une date précise, la chronique du monastère de Lauresheim, le seul monument ancien qui en fasse mention. « Éginhard, archi-chapelain et secrétaire de l’empereur Charles, s’acquittant très-honorablement de son office à la cour du roi, était bien venu de tous, et surtout aimé de très-vive ardeur par la fille de l’empereur lui-même, nommée Imma, et promise au roi des Grecs. Un peu de temps s’était écoulé, et chaque jour croissait entre eux l’amour. La crainte les retenait, et de peur de la colère royale, ils n’osaient courir le grave péril de se voir. Mais l’infatigable amour triomphe de tout. Enfin cet excellent homme, brûlant d’un feu sans remède, et n’osant s’adresser par un messager aux oreilles de la jeune fille, prit tout d’un coup confiance en lui-même, et, secrètement, au milieu de la nuit, se rendit là où elle habitait. Ayant frappé tout doucement, et comme pour parier à la jeune fille par ordre du roi, il obtint la permission d’entrer ; et alors, seul avec elle, et l’ayant charmée par de secrets entretiens, il donna et reçut de tendres embrassements, et son amour jouit du bien tant désiré. Mais lorsque, à l’approche de la lumière du jour, il voulut retourner, travers les dernières ombres de la nuit, là d’où il était venu, il s’aperçut que soudainement il était tombé beaucoup de neige, et n’osa sortir de peur que la trace des pieds d’un homme ne trahît son secret. Tous deux pleins d’angoisse de ce qu’ils avaient fait et saisis de crainte, ils demeuraient en dedans. Enfin comme, dans leur trouble, ils délibéraient sur ce qu’il y avait à faire, la charmante jeune fille, que l’amour rendait audacieuse, donna un conseil, et dit que, s’inclinant, elle le recevrait sur son dos, qu’elle le porterait avant le jour tout près de sa demeure, et que, l’ayant déposé là elle reviendrait en suivant bien soigneusement les mêmes pas.
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Or l’empereur, par la volonté divine à ce qu’on croit, avait passé cette nuit sans sommeil, et se levant avant le jour, il regardait du haut de son palais. Il vit sa fille marchant lentement et d’un pas chancelant sous le fardeau qu’elle portait, et lorsqu’elle l’eut déposé au lieu convenu, reprenant bien vite la trace de ses pas. Après les avoir longtemps regardés, l’empereur, saisi à la fois d’admiration et de chagrin, mais pensant que cela n’arrivait pas ainsi sans une disposition d’en haut, se contint et garda le silence sur ce qu’il avait vu.
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Cependant Éginhard, tourmenté de ce qu’il avait fait, et bien sûr que, de façon ou d’autre, la chose ne demeurerait pas longtemps ignorée du roi son seigneur, prit enfin une résolution dans son angoisse, alla trouver l’empereur, et lui demanda à genoux une mission, disant que ses services, déjà grands et nombreux, n’avaient pas reçu de convenable récompense. A ces paroles, le roi, ne laissant rien connaître de ce qu’il savait, se tut quelque temps, et puis assurant Éginhard qu’il répondrait bientôt à sa demande, il lui assigna un jour. Aussitôt il convoqua ses conseillers, les principaux de son royaume et ses autres familiers, leur ordonnant de se rendre près de lui. Cette magnifique assemblée de divers seigneurs ainsi réunie, il commença disant que la majesté impériale avait été insolemment outragée par le coupable amour de sa fille avec son secrétaire, et qu’il en était grandement troublé. Les assistants demeurant frappés de stupeur, et quelques-uns paraissant douter encore, tant la chose était hardie et inouïe, le roi la leur fit connaître avec évidence en leur racontant avec détail ce qu’il avait vu de ses yeux, et il leur demanda leur avis à ce sujet. Ils portèrent contre le présomptueux auteur du fait des sentences fort diverses, les uns voulant qu’il fût puni d’un châtiment jusque là sans exemple les autres qu’il fût exilé d’autres enfin qu’il subît telle ou telle peine, chacun parlant selon le sentiment qui l’animait. Quelques-uns cependant, d’autant plus doux qu’ils étaient plus sages, après en avoir délibéré entre eux, supplièrent instamment le roi d’examiner lui même cette affaire, et de décider selon la prudence qu’il avait reçue de Dieu. Lorsque le roi eut bien observé l’affection, que lui portait chacun, et qu’entre les divers avis, il se fut arrêté à celui qu’il voulait suivre, il leur parla ainsi :
« Vous n’ignorez pas que les hommes sont sujets à de nombreux accidents, et que souvent il arrive que des choses qui commencent par un malheur ont une issue plus favorable. Il ne faut donc point se désoler; mais bien plutôt, dans cette affaire qui, par sa nouveauté et sa gravité, a surpassé notre prévoyance, il faut pieusement rechercher et respecter les intentions de la Providence qui ne se trompe jamais et sait faire tourner le mal à bien. Je ne ferai donc point subir à mon secrétaire, pour cette déplorable action, un châtiment qui accroîtrait le déshonneur de ma fille au lieu de l’effacer. Je crois qu’il est plus sage et qu’il convient mieux à la dignité de notre empire de pardonner à leur jeunesse, de les unir en légitime mariage, et de donner ainsi à leur honteuse faute une couleur d’honnêteté. »
Ayant ouï cet avis du roi, tous se réjouirent hautement et comblèrent de louanges la grandeur et la douceur de son âme. Éginhard eut ordre d’entrer. Le roi, le saluant comme il avait résolu, lui dit d’un visage tranquille :
« Vous avez fait parvenir à nos oreilles vos plaintes de ce que notre royale munificence n’avait pas encore dignement répondu à vos services. A vrai dire, c’est votre propre négligence qu’il faut en accuser, car malgré tant et de si grandes affaires dont je porte seul le poids, si j’avais connu quelque chose de votre désir, j’aurais accordé à vos services les honneurs qui leur sont dus. Pour ne pas vous retenir par de longs discours, je ferai maintenant cesser vos plaintes par un magnifique don; comme je veux vous voir toujours fidèle à moi comme par le passé, et attaché à ma personne, je vais vous donner ma fille en mariage, votre porteuse, celle qui déjà, ceignant sa robe, s’est montrée si docile à vous porter. »
Aussitôt, d’après l’ordre du roi et au milieu d’une suite nombreuse, on fit entrer sa fille, le visage couvert d’une charmante rougeur, et le père la mit de sa main entre les mains d’Éginhard avec une riche dot, quelques domaines, beaucoup d’or et d’argent et d’autres meubles précieux. Après la mort de son père, le très-pieux empereur Louis donna également à Éginhard le domaine de Michlenstadt et celui de Mühlenheim qui s’appelle maintenant Seligenstadt.
Il est difficile de prononcer sur l’authenticité de cette histoire. Quoique la chronique de Lauresheim ne soit pas contemporaine, elle n’est point sans autorité ; Éginhard eut, avec ce monastère, de fréquentes relations, puisqu’il lui donna le domaine de Michlenstadt, et les moines recueillirent sans doute avec soin les traditions qui intéressaient leur illustre bienfaiteur. Il est hors de doute qu’Éginhard eut réellement Imma pour femme, et Loup, abbé de Ferrières, élève et ami de notre historien, appelle Imma nobilissima femina, titre qui ne se donnait guères alors qu’aux personnes issues du sang royal1. Enfin, dans une lettre à l’empereur Lothaire, petit-fils de Charlemagne, Éginhard lui-même semble l’appeler son neveu en lui disant :
« J’ai cru devoir avertir votre neptité ( neptitatem vestram), » et Mabillon a regardé cette preuve comme concluante. Mais d’autres savants ont remarqué qu’au neuvième siècle, le mot nobilissimus et même ceux d’oncle et neveu, étaient pris dans un sens très-vague et ne désignaient souvent qu’une extraction illustre, une sorte de tutelle et d’autorité morale. L’abbé Lebeuf est allé plus loin, et a soutenu, en étayant son opinion de quelques exemples, que les mots neptitas tua dont Éginhard se sert avec Lothaire, signifiaient toujours votre principauté, votre souveraineté ce qui détruirait absolument la conclusion qu’on a voulu en tirer. S’il n’y avait cependant, contre l’aventure d’Eginhard, que ces arguments indirects et contestables, ils ne paraîtraient pas suffisants pour faire rejeter une tradition qui n’offre en soi rien d’absurde ni de contraire au caractère de Charlemagne ou aux moeurs du temps, et que rapporte, avec tant de détails, la chronique d’un monastère où la vie d’Éginhard devait être bien connue. C’est Éginhard lui même qui fournit les raisons les plus fortes contre la réalité de ses tendres rapports avec la fille de son maître. Non seulement il garde à ce sujet le plus profond silence ; mais, dans sa Fie de Charlemagne, il énumère tous les enfants de ce prince, sept fils et huit filles, naturels ou légitimes, et le nom d’Imma ne s’y rencontre point, ni aucun nom analogue qui puisse s’être altéré sous la main des copistes. Enfin Louis-le-Débonnaire, dans un diplôme qui nous reste, donne un domaine « à son fidèle Eginhard et à sa femme Imma » sans que rien indique qu’Imma fût sa soeur : Dom Bouquet et la plupart des érudits, gardiens jaloux de la vertu des filles du roi, ont fait valoir ces preuves avec une sorte de triomphe, et je m’y rends aussi, non sans quelque regret, car l’aventure est gracieuse et douce. A leurs arguments j’en ajouterai même un nouveau, plus puissant peut-être que tous les autres, quoiqu’il fasse à la réputation des filles de Charlemagne beaucoup plus de tort que la tradition qu’il faut abandonner; ce sont les paroles d’Éginhard lui même sur leur compte :
« L’empereur, dit-il, quoique heureux en toute autre chose, éprouva dans ses filles la malignité de la mauvaise fortune ; mais il dissimula ce chagrin, et se conduisit comme si jamais elles n’eussent fait naître de soupçons injurieux, et qu’aucun bruit ne s’en fût répandu. »
Pense-t-on qu’Eginhard eût tenu un tel langage si sa chère Imma en eût subi la première offense ? Quoi qu’il en soit, et gendre ou non de Charlemagne, Éginhard posséda toute sa faveur. Il était né Franc comme la plupart des hommes considérables de cette cour redevenue germaine
« Le lecteur, dit-il, ne trouvera rien à admirer dans mon ouvrage, si ce n’est peut-être l’audace d’un barbare peu exercé dans la langue des Romains. »
Charles l’attira auprès de lui dès sa jeunesse, le fit élever avec soin, à l’école du célèbre Alcuin, et le donna pour compagnon à ses fils. Frappé bientôt des talents du jeune homme et de son heureuse ardeur pour l’étude des lettres, Charles le prit pour secrétaire et lui confia de plus la surveillance de tous les travaux de construction qu’il entreprit, églises, palais, routes, canaux ; ce qui était en quelque sorte, pour parler le langage de notre temps, le ministère de la civilisation. On s’est étonné de ne rencontrer qu’une seule fois le nom d’Éginhard dans les négociations ou missions extérieures de ce règne il paraît, en effet, qu’il ne s’éloigna de l’empereur qu’en 806 pour aller à Rome faire confirmer par le pape Léon III, le premier testament de son maître.
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