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Publié le
22/09/2023

Artisans et gens de labeur sous Louis XIII : qui sont-ils ?

Texte extrait du livre : la vie de Paris sous Louis XIII

Tout ce qui travaille de ses mains et est salarié à la journée. Il semble qu’on distingue comme des catégories de métiers plus relevés les uns que les autres. On pourrait en trouver un témoignage dans un arrêt du Parlement fixant les corps de profession qui auront le privilège de fournir au recrutement de la compagnie du chevalier du Guet : ce sont les maçons, charpentiers, tailleurs de pierre, couvreurs, paveurs, marchands et artisans, ménestriers, jardiniers, tisserands, passeurs, pêcheurs sur la rivière, taverniers, voituriers.

Mais tous, à quelque catégorie qu’ils appartiennent, ont la même vie laborieuse, assidue, surveillée. Ils commencent le travail de bonne heure le matin, presque au lever du jour et vont le soir jusque « viron soleil couché ». Les contemporains nous disent que l’ouvrier parisien travaille avec application et que « il n’y a pas un peuple au monde plus industrieux et qui gagne moins ». Il aime bien manger et surtout boire, « mais il ne s’enivre que les jours de fêtes qu’il ne fait rien ». Par ailleurs, « il est toujours content ! » Les difficultés relatives aux salaires et au nombre d’heures de travail existent en ce temps entre patrons ou entrepreneurs et ouvriers, comme elles ont existé toujours. Il y a des grèves.

Des ordonnances de police anciennes ont fixé les conditions du travail. Le plus récent règlement, celui de Charles IX, de février 1567, a édicté, à la suite d’effervescence et de troubles, que le travail serait dû, en été, de cinq heures du matin à sept heures du soir et en hiver, de six heures du matin à six heures du soir et il a fixé les salaires : pour les ouvriers, dix sous tournois par jour, pour les manœuvres cinq sous. Ce sont les ouvriers en bâtiment qui sont considérés comme les plus turbulents. Les autorités se préoccupent surtout d’empêcher « les coalitions », ce qu’elles appellent « prévenir les complots contre les maîtres au sujet des salaires des ouvriers ». Elles entendent empêcher surtout les violences. Elles défendent aux ouvriers « de faire aucune cabale entre eux, ne méfaire, ni médire, battre, excéder ou molester les uns les autres », sinon, ils seront « fouettés », singulière peine dans l’espèce ! Ceux qui sont moins dangereux et plus pittoresque sont les petits artisans parisiens isolés travaillant seuls. Les plus populaires d’entre eux sont les savetiers installés aux coins des rues, aux carrefours, dans de petites échoppes basses, étroites, où ils ont de la peine à tenir, devant une fenêtre ouverte, au milieu de tas de mille débris qui traînent sur le parquet sale et dans la senteur forte du cuir fraîchement travaillé. Tout le monde les connaît dans le quartier. On échange avec eux des lazzis en passant. Ils savent les nouvelles, parlent avec chacun. Ce sont de « grands causeurs, de grands gobeurs, les gazettiers de tout le voisinage ». Surtout ils bavardent des affaires de l’État, critiquent, vitupèrent jusqu’au moment où la journée étant finie ils prennent leur grand manteau, leur petite pacotille, ferment leur échoppe et s’en vont souper dans quelque cabaret.

Savetiers et cordonniers sont deux corps distincts ennemis l’un de l’autre et il n’est pas rare de voir des tenants de l’une et de l’autre corporation se prendre de querelle après une discussion et se battre à coups de tire-pieds. Les commissaires sont obligés de mettre le holà ! Ils n’ont jamais à intervenir, au contraire, à l’égard des jardiniers qui vendent paisiblement leurs fleurs et leurs arbres sur le quai entre le Pont-Neuf et le Châtelet. Il faut faire une place à part aux domestiques. On les trouve dans des bureaux de placement dont les tenancières portent le nom de « recommanderesses ». Servantes, chambrières, filles de chambre, suivantes, filles de cuisine ou à tout faire, nourrices, ce sont naturellement, dans cette société bourgeoise parisienne de ce temps, les femmes qui abondent pour le service. Les hommes, laquais, valets de marchands et artisans chambre, on va les demander dans les bureaux d’adresse fondés par Théophraste Renaudot. En troupes, les femmes sans place se réunissent au cimetière des Innocents, vieux cimetière, où on a enterré des Parisiens pendant huit à neuf siècles parce que la terre, excellente, disait-on, y décomposait son cadavre en neuf jours ! Elles y jabotent. Elles s’apprennent les unes aux autres les meilleurs tours pour faire « danser l’anse du panier », ou, comme on dit en ce temps « bien ferrer la mule ». Malgré sa destination, le lieu est gai !

Texte extrait du livre : la vie de Paris sous Louis XIII

Il passait, jadis, pour être un repaire de brigands. Quatre-vingts arcades l’entourent : ce sont des charniers où l’on a entassé des crânes et des ossements déterrés et l’on voit, sur les tombes, des gens à genoux priant et chantant à mi-voix pour la délivrance des âmes du purgatoire, tandis que des
mendiants s’offrent à vous afin d’en faire autant en faveur de vos trépassés, si vous le désirez, moyennant quelques petits sous. L’endroit est très achalandé par les cuisinières, parce qu’elles y trouvent les fameux « secrétaires des Innocents » ou écrivains publics auxquels elles confient leurs comptes de dépenses à rédiger de manière à les rendre fructueux pour elles, grâce à des 0 changés en 8, à des s. faisant sols, allongés en f. faisant francs, etc., La Ville de Paris en vers burlesques, de Berthod, nous fait assister à la scène d’une servante qui demande à un écrivain au teint blême, assis à une table, de lui accommoder un mémoire d’achats pour sa patronne de façon à ce que la dépense, en réalité de quinze livres dix sols, soit de vingt livres seize sols. Le secrétaire, au fur et à mesure que la servante dicte, écrit et ajuste : saucisses, pois, écrevisses, soixante sols au lieu de cinquante-six ; harengs, maquereaux, vives, carpes, trois livres vingt sols au lieu de trois livres six sols, etc. À la fin le secrétaire demande son salaire, dix sols. La servante se récrie : c’est trop cher ! elle en offre huit ; le secrétaire refuse, s’indigne. Le ton monte : dispute, injures.

La servante traite le secrétaire « d’écrivain de neffle, de pouilleux, de tête de filasse ! ». L’écrivain riposte : « Double carogne ! P… ! Je te frotterai le museau ! — Viens-y donc, vieux maquereau ! » etc.

La vie de Paris sous Louis XIII

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Le sujet était vaste. Il fallait se borner. Laissant de côté ce qui concernait la Cour et le Louvre dont nous avons parlé ailleurs. Nous avons essayé de donner ici une idée un peu claire de ce qu'était Paris au temps de Louis XIII, le cadre de la ville, l'aspect de ses rues, l'existence des habitants.

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