VIe siècle. Première renaissance chrétienne. — Écoles monastiques.

Les saints catholiques au service de l’éducation

Saint Benoît ordonnait de recevoir indistinctement dans les maisons de son ordre des enfants, des adolescents, des adultes pauvres ou riches, maîtres ou serviteurs, savants ou ignorants, clercs ou laïques. Il en sortit, plus tard, tant et de si remarquables travaux, qu’aujourd’hui encore, le plus grand éloge qu’on puisse faire d’une œuvre d’érudition, c’est de dire : c’est un travail de bénédictin. En dehors de l’initiative des évêques et des religieux, plusieurs conciles ordonnèrent au clergé d’instruire les enfants, notamment ceux de Vaison en 529, de Tours en 576, de Rouen en 700, de Mâcon et de Paris en 829. Plus tard le concile de Latran impose même la gratuité de l’enseignement.

L’Église, dit-il, étant obligée de pourvoir aux besoins corporels et spirituels des indigents, nous ordonnons qu’il y ait, à l’avenir, dans chaque église cathédrale, pour l’instruction des pauvres clercs, un maître à qui on assurera un bénéfice suffisant, et qui donnera ses leçons gratuitement. On rétablira les anciennes écoles dans les autres églises et les monastères où des fondations ont été créées à ce sujet ; on n’exigera rien pour la permission d’enseigner, et on ne la refusera point à celui qui est capable.

Concile de Latran

Nous sommes loin, on le voit, de la prétendue opposition du clergé aux lumières, pendant le Moyen Âge, et même de son indifférence à leur endroit. Les écoles épiscopales et monastiques suivaient le programme adopté dans les écoles romaines, c’est-à-dire le trivium et le quadrivium, qui constituaient ce qu’on appelait les sept arts libéraux.

Le trivium renfermait la grammaire, la rhétorique et la dialectique. Bède comprenait, sous ces dénominations, l’éloquence et la philosophie ; Alcuin, l’éthique et la physique.

Le quadrivium comprenait l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique, ainsi que la mécanique, à laquelle se rattachaient les industries textiles, la fabrication des armes, l’agriculture, la navigation, la chasse et le théâtre. Quatre savants ont jeté un grand lustre sur cette époque, et leurs ouvrages ont longtemps servi de base à l’enseignement au Moyen Âge : Martianus Capella à la fin du Ve siècle, Boèce et Cassiodore au vie, enfin Isidore de Séville au commencement du VIIe.

Saint Benoît
Saint Benoît

Le premier a laissé une encyclopédie traitant des sept arts libéraux, qui jouit d’un grand crédit au Moyen Âge. Boèce cultiva avec le plus grand succès les lettres et la philosophie grecques. Il a composé, dans la prison où des envieux l’avaient fait jeter par Théodoric, le traité de la Consolation, qui l’a immortalisé et qui est répandu dans toutes les langues. Son ami Cassiodore, après avoir été, comme lui, premier ministre et consul sous Théodoric, se retira, à la fin de sa vie, dans un monastère de la Calabre. Il y composa ses ouvrages, rassembla et fit copier par les moines de précieux manuscrits de l’antiquité. Il avait lui-même traduit, avec Boèce, toute la philosophie d’Aristote et de Platon, en montrant leur accord avec la foi catholique, dit Rohrbacher dans son Histoire universelle de l’Église.

L’enseignement au Moyen Âge

Isidore de Séville est l’auteur renommé d’une encyclopédie des sciences de son temps, d’une histoire depuis Adam jusqu’en 626, et d’une histoire des Goths que des savants allemands ont fait traduire récemment dans leur langue. Trois autres illustrations littéraires du vie siècle doivent être mentionnées ici. Fortunat, évêque de Poitiers, auteur du Vexilla regis, est le meilleur poète de son temps. Ses écrits sont aussi un monument précieux pour l’histoire. Saint Avit, qui eut part à la conversion de Clovis et à celle de Sigismond, roi des Bourguignons, rendit aux lettres d’aussi grands services qu’à la religion. On a de lui cinq poèmes dont l’un, entre autres, traite le même sujet que Milton dans son Paradis perdu. M. Guizot, comparant les deux œuvres, dans son Histoire de la civilisation en France, déclare saint Avit supérieur parfois au grand poète anglais. Saint Grégoire de Tours était disciple de saint Avit. On admire son caractère élevé et énergique dans sa défense de Mérovée et de Prétextat contre Chilpéric et la cruelle Frédégonde. Ses connaissances et ses lumières étaient au-dessus de son temps.

Isidore de Séville
Isidore de Séville

Parmi les nombreux écrits qu’on lui doit, son Histoire des Francs est un trésor de renseignements sur cette époque. Aucun document ne fait mieux connaître les commencements du Moyen Âge, ses mœurs barbares et l’influence chrétienne qui les dompta enfin. Que saint Grégoire fasse le tableau des fléaux qui s’abattent sur la Gaule au commencement du VIIe siècle : déluge en Auvergne, tremblement de terre à Bordeaux, Orléans et autres villes embrasées, la peste dans toute la Gaule ; qu’il peigne la repentance de Frédégonde et de Chilpéric devant la mort imminente de leurs fils, ou bien les angoisses de Childebert cherchant à sauver son second neveu de la fureur de Clotaire qui vient d’égorger le premier, on est constamment attiré par cette œuvre dramatique, pleine d’élévation et de sentiment vrai. Le VIe siècle constitue une première renaissance chrétienne des lettres.