La VIE QUOTIDIENNE dans un CHÂTEAU du Moyen Âge

Texte extrait du livre Féodalité et chevalerie au Moyen Âge aux Éditions Voxgallia

La mesnie du seigneur du Moyen Âge

Le château fort au Moyen Âge

Le centre de la vie féodale est le château où le baron s’est retiré avec sa mesnie. Au XIIe siècle la noblesse a presque entièrement abandonné le séjour des villes pour demeurer dans ses domaines des champs. Au haut de la colline le château s’abrite à l’ombre du donjon massif. La « motte », dont nous avons parlé, a pris d’importantes dimensions ; elle est devenue le centre d’actives exploitations agricoles. Les ateliers des artisans, qui y étaient attachés, n’ont pas disparu, mais ils ne se sont pas développés, car les villes ont donné essor à l’industrie et, par les marchands qui circulent, le château peut se procurer les objets fabriqués.

La vaste enceinte est demeurée divisée en deux « bailles ». Le donjon est à présent bâti en pierre. Quelques poètes contemporains le disent construit en marbre : poésie. Ne lisons pas « tour marberine », lisons « tour perrine ». Le plus grand et le plus beau des donjons subsistant en ses ruines splendides était le donjon de Coucy : soixante-quatre mètres de hauteur sur trente-et-un de diamètre. Les Allemands l’ont démoli au cours de la guerre de 1914. En notre histoire architecturale il est enseigné que les donjons du XIIe siècle étaient carrés, pour s’arrondir au XIIIe. Observation exacte, mais comportant des exceptions. Les abords du donjon sont gardés par des hommes d’armes. En son donjon, le seigneur suzerain voyait sa puissance défensive accrue par une muraille élevée, pittoresquement dénommée la « chemise du donjon ». Au sommet du château tournait une girouette. Le droit d’orner sa demeure d’une girouette était réservé aux gentilshommes et la forme en indiquait le grade dans la chevalerie du propriétaire. Au haut de la tour, en son échanguette, le guetteur avait charge d’annoncer le matin, au son du cor, le lever du jour.

Le guetteur médiéval au sommet du château

Il passait son temps en la longueur des heures à jouer de la flûte, du sisteron, du chalumeau et à chanter des chansons d’amour nommées du fait « chansons de guette ». Il sonnait le départ pour la chasse. Quelques hôtes se présentaient-ils aux portes de la demeure, il en annonçait l’arrivée ; enfin tâche plus grave, il signalait l’approche de l’ennemi du plus loin qu’il l’apercevait. Nombre de barons ornaient les portes de leur résidence de heaumes ou de casques : signe aux gentilshommes et gentilles dames de passages qu’ils trouveraient céans bon accueil et hospitalité. Perceforest précise :

« Tous gentilshommes et nobles dames faisaient mettre un heaume au plus haut de leur hostel, en signe que tous gentilshommes et gentillesfemmes trespassans les chemins entrassent hardiment en leur hostel comme en leur propre, car leurs biens estoient à tous nobles hommes et femmes trespassans le royaulme. »

La chambre du seigneur féodal

De nos jours encore on a pu voir de ces heaumes ou casques fixés à quelques portes d’entrée. À l’intérieur des tours, dont la plupart des donjons étaient flanqués, les escaliers qui en permettaient l’ascension, étaient dissimulés autant que possible et interrompus de place en place de façon que l’usage en fût périlleux, à l’étranger, vides aisément comblés en cas de besoin par les habitants du château à l’aide de marches en bois ; mais l’étranger, l’ennemi qui se serait avisé d’y monter, risquait de s’effondrer en ces lacunes pour venir se briser le crâne sur le sol de la tour. Le donjon surplombait les constructions diverses qui formaient le château et dominait le pays d’alentour. De la défense militaire du domaine il était le centre, l’élément principal. Les tours de moindres dimensions, dont le donjon était flanqué, étaient généralement rondes à l’extérieur, plates au dedans. Elles étaient défensivement armées comme le donjon lui-même.

La salle et la chambre aux temps féodaux

Deux pièces principales dans le château féodal, la Salle et la Chambre. Dans la Salle, le baron rend la justice à ses vassaux, il y reçoit leur hommage, il y accueille des messagers, écoute les chansons des jongleurs, les contes des trouvères, il y prend ses principaux repas, il y joue aux échecs et aux tables (tric-trac).

Texte extrait du livre Féodalité et chevalerie au Moyen Âge aux Éditions Voxgallia

Les jeux d’échecs tenaient dans la vie des féodaux, en leurs châteaux forts, une place importante. Les enfants étaient éduqués au jeu d’échecs dès leur jeune âge. Distraction à laquelle nos féodaux se livraient passionnément. Pourquoi Charlot, fils de Charlemagne, fend-il d’un coup d’échiquier le crâne de Beaudouinet, fils d’Ogier ? Beaudouinet vient de le faire échec et mat. C’est en une querelle née d’une partie d’échecs, que Renaud de Montauban casse la tête d’un coup d’échiquier à Bartolais, neveu de l’empereur, d’où la longue guerre faite par Charlemagne aux Quatre fils Aymon.

Les échiquiers médiévaux ne ressemblaient guère à nos fragiles planchettes carrelées… Robustes et solides comme les mains qui les maniaient, les coins en étaient de fer ou d’acier.

Les jongleurs au château médiéval

Jongleur du Moyen Âge

Quant aux jongleurs, par beau temps en la saison nouvelle, le baron préférait les entendre en plein air, dans un cadre verdoyant que les fleurs parfument, mieux adapté aux rêves plaisants que leur art faisait éclore. Auprès de la Salle, la Chambre que le seigneur partageait avec sa femme et où il recevait ses intimes. Dans la Chambre auprès du foyer se déroulaient les causeries d’hiver. La Salle, aux vastes dimensions, s’ouvrait au haut des degrés qui menaient au perron. À l’une des extrémités une estrade, qui prenait toute la largeur de la pièce, élevée d’une marche de quelques pouces au-dessus du sol, s’appelait le dais. Le seigneur et sa dame y recevaient leurs hôtes, assis tous deux en des fauteuils (sièges pliants). Là étaient dressées les « tables hautes », ainsi nommées parce qu’elles dominaient les tables placées sur le plancher de la Salle. À ces tables hautes prenaient place le châtelain, la châtelaine et les invités de marque. Le dais était directement éclairé par une grande fenêtre en saillie sur l’extérieur. Dans l’espace, que cette saillie donnait à l’intérieur de la pièce, les serviteurs disposaient une table utile au service et à la desserte. Dans la Salle de grands coffres de bois, contenant les effets du châtelain et de la châtelaine, servaient de sièges. Car l’ameublement de ces pièces, d’un aspect d’ailleurs somptueux, était des plus rudimentaires : elles étaient à peu près vides. Les sièges de la Salle étaient des bancs de pierre taillés le long des murs ou dans les embrasures des fenêtres. On les complétait par des « chaières », sièges pliants apportés à l’occasion, de même qu’on « dressait » la table au moment de repas. Les crédences chargées de vaisselle n’apparaîtront qu’au XVe siècle.

Texte extrait du livre Féodalité et chevalerie au Moyen Âge aux Éditions Voxgallia