LE SIÈCLE CHRÉTIEN (1255/1259) – Saint Louis et Henri III – Traité de Paris

Bonjour, le roi de France Louis IX, qui vient tout juste de rentrer de Terre sainte, va non seulement engager des réformes en profondeur au sein de son royaume, mais il va aussi considérablement modifier son comportement. Louis IX reste ce qu’il a toujours été : un roi très chrétien, mais sa piété va passer un cap pour se mettre, petit à petit, dans les pas du Christ. En souverain épris de justice, il va dans les dernières années de son règne, régler un certain nombre de différends entre les puissances d’Europe. Mais avant de vous raconter cette histoire, notre histoire, je veux vous dire que vous pouvez soutenir mon travail sur l’histoire de France en commandant un livre de ma maison d’édition ou en faisant simplement un don, pour en savoir plus, cliquez sur les liens en description de cette vidéo. Merci.

Un roi pénitent

La métamorphose du roi ne se faisait pas que dans ses actes politiques ou dans ses paroles, mais elle s’opérait également dans ses tenues et dans son comportement quotidien. Fini les tenues d’apparat royales, désormais le plus puissant roi d’Europe portera des draps naturels, des robes de chamois, il coupera son vin d’eau et ne donnera plus d’ordre pour ses plats. Chaque jour, il faisait manger des pauvres à sa table et terminait le repas en leur donnant ses propres deniers, puis demandait à ce que les restes des mets de son hôtel soient conservés par l’aumônier en charge de distribuer les aumônes, ainsi les pauvres pouvaient se restaurer dignement. Gare à quiconque oserait les emporter ! Son ascétisme vestimentaire alla jusqu’à corriger publiquement une femme qui, selon lui, avait dépassé les limites de la modestie dans sa toilette. Il prit soin d’appeler son confesseur, Geoffroy de Beaulieu, avant de la tancer, comme pour avoir une caution morale à son acte. Le roi dit à cette dame :

Madame, je voudrais vous rappeler une chose utile pour votre salut. On dit que vous étiez, autrefois, une belle dame, mais ce temps-là est révolu, comme vous le savez. Vous pouvez donc comprendre que cette beauté-là est vaine et inutile qui passe vite, comme une fleur, se fane immédiatement, et ne dure pas. Et vous ne pourrez jamais restaurer cette beauté, quels que soient les traitements et les soins que vous employiez. Il vous convient donc d’acquérir cette autre beauté, celle de l’âme et non pas celle du corps par laquelle vous pourrez plaire à notre créateur et compenser pour votre négligence à cet égard dans le passé.

Louis IX aimait enseigner, raisonner et corriger, à l’image du Christ qu’il prenait comme modèle. Son élocution était sage et rien d’oisif, de médisant ou de dissolu ne sortait de sa bouche. Son style oral était empreint du récit évangélique.

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    Le siège de Quéribus

    Depuis la signature du traité de Paris-Meaux, l’hérésie cathare, soutenue par le puissant Raymond VII de Toulouse, avait pris un sacré coup au moral. Malgré la signature du traité, certains continuaient à contester le pouvoir royal de Louis IX sur le Languedoc. Ce qui fut le cas de Chabert de Barbaira, le commandant du château de Quéribus, château qui donnait encore asile à des diacres cathares. Des poches de résistances demeuraient toujours dans le Languedoc. En mai 1255, Louis IX et ses hommes mirent le siège devant le château rebelle de Quéribus. Le 5 mai 1255, Pierre d’Auteuil, sénéchal de Carcassonne et de Béziers, commença le siège du château de Quéribus en réduisant à néant les routes d’approvisionnement des assiégés. Les opérations sont menées par Olivier de Termes, un fidèle et proche de Louis IX. Après trois semaines de siège, un assaut fut lancé sur le château et ce dernier tomba sous la puissance royale. Nous ne connaissons que peu de choses sur le siège de Quéribus. Toujours est-il qu’il se termina par la reddition des Cathares en échange de leur liberté. Le château se rendit en mars 1256 après la capture de Chabert de Barbaira.

    Louis IX arbitre une affaire d’héritage

    À son retour de croisade, Louis IX dut intervenir dans une affaire concernant deux des plus riches provinces d’Occident : les comtés de Flandre et de Hainaut. Situés aux frontières du royaume de France et du Saint-Empire romain germanique, ces territoires constituaient un enjeu hautement politique. La Flandre dépendait du roi de France alors que le Hainaut dépendait de l’empereur ! Au cœur du conflit, une femme, la riche et puissante Marguerite, comtesse de Flandre, eut, de deux mariages différents, cinq enfants. Tous les ingrédients étaient réunis pour envenimer la situation car se posait désormais la question de l’héritage disputé entre les deux branches des deux mariages : les Dampierre et les Avesnes. Qui mieux que Louis IX pouvait trancher avec justice et équité cette épineuse question ! En tout cas, c’était l’avis de Marguerite qui, avant de s’en remettre au jugement du roi, avait auparavant demandé l’intervention de son frère Charles d’Anjou et pour cause, Louis IX était en croisade. Mais Charles était un conquérant, tout le contraire de son royal frère. II prit sans attendre la route en direction de Valencienne et plus tard de Mons dès qu’on lui promit le comté de Hainaut s’il soutenait militairement la Flandre. À son retour de croisade, Louis IX eut vent des tractations politiques de son frère et s’empressa de lui rappeler sa conception de la justice. Dans un élan d’autorité mêlée de bienveillance fraternelle, il le sermonna en lui rappelant que la voie diplomatique devait primer sur la voie militaire. Avant son départ en croisade, en 1246, Louis IX avait déjà pris soin d’apaiser les tensions en rendant un arbitrage équitable entre Marguerite et sa belle-sœur Jeanne, mais depuis dix ans la situation s’était aggravée. La comtesse Marguerite accepta de s’en remettre au jugement royal et le 24 septembre 1256, Louis IX trancha en souverain ; la Flandre ira aux Dampierre et le Hainaut aux Avesnes. Son intervention mit fin au conflit. C’est le lot des souverains vertueux : trancher, juger, en somme gouverner. Louis IX dut s’accommoder, tout au long de son règne, de conflits, de controverses ou de révoltes sanglantes. Le confesseur de la reine Marguerite de Provence résuma merveilleusement la politique de Louis IX en matière de paix : Quand le roi entendait qu’il y avait guerre entre des hommes nobles hors de son royaume, il envoyait à eux messages solennels pour les apaiser, mais non pas sans grandes dépenses (à sa charge) Le 6 novembre de la même année, Louis IX règla un autre différend concernant toujours le comte Charles d’Anjou. Depuis son mariage avec Béatrice de Provence, la sœur de la reine de France, le frère du roi, ambitieux et toujours conquérant, entretenait des relations froides avec Béatrice de Savoie, sa belle-mère. Et pour cause, Béatrice de Savoie suivait une politique toute opposée à celle voulue par Charles d’Anjou. Louis IX, animé par un désir de concorde entre les siens, trancha et Béatrice de Savoie, accepta de renoncer à toute souveraineté sur le comté de Forcalquier et à d’autres prétentions provençales, moyennant, en contrepartie, une rente annuelle de 6 000 livres tournois.

    Un roi charitable

    Sa charité n’avait pas de limite quand il s’agissait des plus pauvres. Le Vendredi saint, il allait par les églises et donnait deniers et nourriture aux pauvres ; ils étaient si nombreux à vouloir approcher le roi aumônier qu’ils manquaient souvent de lui marcher sur les pieds, mais Louis ne tolérait pas que les huissiers les repoussent. Patiemment et humblement, il distribuait sans relâche. Pour soulager leurs peines, il se mit à bâtir, souvent sur ses propres deniers, des abbayes à l’intérieur desquelles les plus pauvres pouvaient manger et retrouver un peu de dignité, des hospices où les aveugles miséreux pouvaient retrouver un peu de réconfort et, à défaut de voir, pouvaient entendre le service divin dans leur propre chapelle, des collèges où des pensionnaires, où les plus pauvres pouvaient étudier, ou encore des Hôtels-Dieu pour y accueillir des femmes veuves ou miséreuses, des malades et des indigents. Le succès de ces maisons de charité était tel que le roi lui-même légua sa propre maison de campagne ainsi que le bois de Pontoise pour faire face aux demandes croissantes d’admission. Il fut un roi bâtisseur au service de la charité. Nul autre souverain ne se soucia autant que lui des plus pauvres, des plus faibles, ce qui, d’ailleurs, suscitait l’admiration de son peuple. À l’Hôtel-Dieu de Compiègne, qu’il avait réhabilité en 1259, accompagné de son gendre Thibaud roi de Navarre et de ses deux fils Louis et Philippe, il porta le premier malade de ses propres mains et ses fils portèrent les suivants. Il aimait se rendre auprès des plus pauvres de son royaume, comme ce jour où il servit lui-même cent trente-quatre pauvres de l’Hôtel-Dieu de Compiègne et, malgré la fatigue d’une telle besogne, trouva l’énergie nécessaire pour aider un homme au visage couvert de pustules. Qu’importe ! Il s’assit près de lui, lui prépara une poire et quand il mettait les morceaux dans sa bouche, la pourriture de ses plaies tombait sur la main qui le nourrissait, mais il ne s’en émouvait pas et aussitôt, il se lavait les mains et reprenait sa tâche. En père des pauvres, Louis était coutumier de cette attention particulière envers les plus démunis si bien qu’à chacune de ses visites, il faisait apporter de l’eau de rose et leur rafraîchissait le visage de ses propres mains.

    Le traité de Corbeil

    Malgré la prise du château de Quéribus en 1255, les rois Louis IX et Jacques d’Aragon reprirent leurs négociations. Le 11 mars 1258, Jacques Ier envoya ses ambassadeurs, dont l’évêque de Barcelone, à la cour de France avec pour mission de traiter avec Louis IX sur les domaines en litige. Le 11 mai 1256, le traité de Corbeil fut signé et entraîne par conséquent non seulement la fin de la croisade contre les Albigeois mais fixe aussi la frontière du royaume de France avec l’Espagne. Par ce traité, signé au prieuré de Saint-Jean-en-l’Isle, près de Corbeil, le roi d’Aragon et de France renoncent réciproquement à de multiples prétentions territoriales et à quelques droits de suzeraineté. Louis IX renonce au comté de Barcelone, du Roussillon et la Cerdagne quand Jacques d’Aragon renonce aux comtés de Toulouse et de Saint-Gilles, Carcassonne, Béziers, Nîmes, le Quercy etc. Jacques d’Aragon ratifia le traité à Barcelone le 11 juillet 1258. Cette frontière délimitera les deux royaumes pendant quatre siècles jusqu’au Traité des Pyrénées de 1639.

    La paix avec Henri III, roi d’Angleterre

    Qu’elles furent au sein de son royaume ou en dehors, parmi toutes ses interventions en faveur de la paix, celle avec l’Angleterre fut la plus importante. Depuis plus d’un siècle, Plantagenêts et Capétiens se livraient des guerres incessantes dans l’espoir d’agrandir leurs possessions respectives. Dès 1254, alors que le roi Louis venait juste de poser le pied sur la terre de sa douce France, Henri III, toujours roi d’Angleterre, séjourna à Bordeaux pour mater une révolte des barons gascons. Louis IX en profita pour le convier à célébrer la fête de Noël 1254. Les quatre soeurs de Provence étaient présentes : Marguerite, reine de France, Aliénor, reine d’Angleterre, Sancie, femme de Richard de Cornouailles et Béatrice, femme de Charles d’Anjou. L’entente entre les deux rois et les deux familles était cordiale si bien qu’il le raccompagna à Boulogne où le roi d’Angleterre embarqua vers son île. Le charme de Noël avait réussi à gagner les cœurs des deux rois autrefois ennemis. Aussitôt, Henri III demanda le renouvellement des trêves de paix à Louis IX qui les lui accorda volontiers. Dès 1257, l’évêque de Winchester fut chargé par Henri III de proposer à Louis IX un véritable traité de paix plutôt que des trêves précaires. Par le traité de Paris, conclu le 28 mai 1258, Henri III renonçait définitivement à la Normandie, à l’Anjou, à la Touraine, au Maine et au Poitou. De son côté, Louis IX donnait au roi d’Angleterre ses domaines dans les diocèses de Limoges, de Cahors et de Périgueux. L’officialisation de leur amitié et surtout de la paix véritable allait mettre fin aux querelles vieilles de cent ans. Le 4 décembre 1259, dans le jardin du palais, le roi d’Angleterre prêta hommage au roi de France en mettant un genou en terre et ses mains dans celles de Louis IX. Cette paix définitive n’emportait pas l’adhésion de tous les conseillers du roi de France. Certains d’entre eux s’interrogeaient sur les raisons qui avaient poussé Louis IX à rendre au roi d’Angleterre une partie des conquêtes passées. Le roi de France leur répondit qu’il restituait ces conquêtes que pour mettre de l’amour entre ses enfants et les siens. De cette paix allaient découler l’unité et l’indépendance du royaume de France. Le traité avait certes quelque peu diminué le domaine royal, mais l’avantage politique fut tout de même du côté français. Les barons anglais étaient furieux de cette concession accordée au roi de France ; les conséquences politiques entre le roi d’Angleterre Henri III et ses barons, déjà très tendues, n’allaient pas s’améliorer. Une révolte anglaise couvait à nouveau…