LE SIÈCLE CHRÉTIEN (1215/1219) – Cinquième croisade / croisade albigeoise

Bonjour, le XIIIe siècle n’a pas fini de nous émerveiller. La bataille de Bouvines que nous avons vu dans l’épisode précédent a totalement redistribué les cartes dans l’occident chrétien. Philippe Auguste règne en maître. Le pape Innocent III, à travers son grand concile du Latran IV, va impulser au sein de la chrétienté un nouveau souffle, son pontificat fut tourné vers trois axes : extirper le monde des hérésies, reconquérir la Terre sainte aux Musulmans et réformer la foi catholique. C’est cette histoire que je vais vous raconter, notre histoire.

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    L’hérésie albigeoise n’en finit pas de bouleverser le Midi du royaume. Le 8 janvier 1215, un concile, regroupant … , se tient à Montpellier. Leur volonté est claire : transférer les biens du comte de Toulouse Raymond VI à Simon IV de Montfort ; mais pour cela, il leur fallait l’accord du pape Innocent III. A Pâques de la même année, le prince Louis, le futur Louis VIII, s’engage encore timidement dans la croisade armée contre les hérétiques du Midi. Il se rend avec un contingent de chevaliers à Lyon puis poursuit sa route vers les grandes villes du sud telles que Toulouse, Montpellier ou encore Narbonne. Comme je l’avais évoqué dans l‘épisode précédent, au royaume d’Angleterre, Jean sans Terre lutte rudement contre ses barons. La cuisante défaite de Bouvines avait considérablement affaibli le roi d’Angleterre. Il signe, le 15 juin 1215, la Grande Charte, appelée aussi Magna Carta en latin, qui donnait entre autres la possibilité aux Londoniens d’élire leur propre maire siégeant au sein d’un Grand Conseil. Le pouvoir est désormais partagé entre le roi Jean sans Terre et ses grands barons. Le pape Innocent III s’y oppose formellement. Rapidement le roi Jean sans Terre revient sur sa décision et rejette la Grande Charte : la première guerre des barons est déclenchée et elle durera plusieurs décennies.

    Le 11 novembre 1215 s’ouvre le quatrième concile du Latran. Ce concile marque l’apogée de la chrétienté médiévale. Les décisions prises eurent un grand nombre de répercussions tout au long du treizième siècle et même bien au-delà. Bien entendu l’hérésie albigeoise est au cœur des discussions, à l’issue du concile Simon IV de Montfort sera nommé comte de Toulouse. L’Église, qui était à l’initiative de la croisade armée dans le Midi, venait d’octroyer à Montfort son premier titre, récompensant plusieurs années d’âpres combats. Le pape Innocent III gardera, le temps de la minorité de Raymond VII, le fils du déchu comte Raymond VI de Toulouse, le marquisat de Provence sous son autorité. Le marquisat de Provence sera restitué au jeune Raymond VII à sa majorité à condition qu’il se tienne en bon chrétien face à l’hérésie. La prédication d’une nouvelle croisade fut également ordonnée lors de ce concile. Immédiatement, le message fut prêché à travers toute la chrétienté. En France ce fut Robert de Courçon, cardinal et chancelier de l’Université de Paris, qui se chargea de mobiliser les hommes, mais peu de chevaliers, déjà mobilisés dans le Midi du royaume, répondirent à l’appel. C’est également au cours du quatrième concile du Latran que le pape Innocent III confirma la fondation de l’ordre mendiant des frères prêcheurs du futur saint Dominique. Désormais il va pouvoir envoyer ses compagnons à travers le monde prêcher l’Evangile. Le concile du Latran est aussi l’occasion pour le pape d’édicter un certain nombre de règles permettant de réformer les mœurs du clergé et d’imposer une discipline pour les laïcs aidant ainsi à la disparition des hérésies qui pullulaient en Europe. Le concile va aussi réglementer le comportement que devront adopter les catholiques à l’égard des juifs et des musulmans, ces derniers devront porter un signum, un signe vestimentaire, dans le but de mieux reconnaître les catholiques des juifs et des musulmans. Et ainsi d’éviter que les catholiques ne fassent commerce intime avec des femmes juives ou sarrasines.”

    En ce début d’année 1216, les barons anglais, toujours révoltés contre leur roi, promettent la couronne d’Angleterre au fils de Philippe Auguste. Le 22 mai 1216, le prince Louis débarque en Angleterre, dans le Kent, accompagné de 1500 chevaliers. Le 2 juin 1216, il arrive à Londres et se fait proclamer roi d’Angleterre. Le sud du pays était quasiment sous son contrôle. Le fait qu’aucun archevêque ne soit disponible à ce moment ne lui permit pas de se faire couronner roi d’Angleterre. La destinée de deux grands royaumes chrétiens en eut été totalement changée. 

    Au même moment, dans le Midi du royaume de France, Raymond VI de Toulouse et son fils n’en finissent pas de poser un grand nombre de soucis à l’Eglise et à Simon IV de Montfort. En mai, Raymond VI de Toulouse et son fils, après s’être fait dépouiller de leurs terres lors du concile, se rendent de Gênes, où ils s’étaient réfugiés, à Beaucaire en Provence pour aider les consuls et la population de la ville dans leur combat contre l’évêque de Marseille. Beaucaire appartenait aux archevêques d’Arles. Aussitôt Raymond VI et son fils, que la population avait doté d’une armée pour les remercier de leur aide, occupent tout le marquisat de Provence. Tandis que Raymond VI s’en alla chercher du renfort en Catalogne, son fils Raymond VII commença à reprendre Beaucaire aux croisés. Simon IV de Montfort qui y avait laissé une garnison dut intervenir, le 6 juin 1216, il se présente avec ses troupes devant la ville. Le siège de Beaucaire n’en finit pas. Harassés, épuisés, Montfort et les siens lèvent le siège le 24 août et se rendent immédiatement à Toulouse mâter la population qui venait de se révolter à nouveau. L’invincible Montfort venait de vivre son premier échec militaire dans le Midi. Le comte Raymond VI, lui, était déjà parti avec un contingent de chevaliers, de Catalogne vers sa ville de Toulouse, pour soulever la population.

    Le 16 juillet 1216, le pape Innocent III rend son âme à Dieu et quelques jours plus tard, le 24 juillet, le pape Honorius III lui succède et poursuit l’œuvre de son prédécesseur. La mort du roi d’Angleterre, Jean sans Terre, survenue le 19 octobre 1216, bouleverse les plans du prince Louis et sauve la dynastie anglaise. Les barons anglais, par légitimisme, soutiennent le futur Henri III, le fils de Jean sans Terre. Par conséquent, Louis, même s’il continue encore de mener quelques batailles sur le sol anglais, finit par se rendre le 11 septembre 1217 lors de la signature du traité de Lambeth. Son ambition de devenir pleinement roi d’Angleterre s’effondre, il quitte le royaume d’Angleterre en échange de 10 000 marcs d’argent. 

    En cette fin d’année 1217, la ville de Toulouse va vivre un siège d’une grande importance. Ulcéré par ces toulousains indomptables, Simon IV de Montfort, arrivé de Beaucaire, leur réserve sa plus grande fureur. Le 22 septembre 1217, Guy de Montfort commence le siège de la ville. Les combats sont rudes et le siège va durer quasiment un an. Mais la ville de Toulouse est trop importante et extrêmement bien défendue pour être prise avec si peu d’hommes. Le 2 juin 1218, Montfort veut attirer les troupes toulousaines à l’extérieur de la ville pour les forcer à se découvrir, en vain. Les croisés reçoivent un nouveau contingent de chevaliers mené par le comte de Soissons, tandis que le jeune comte de Toulouse, Raymond VII, entre dans la ville avec ses hommes. En pleine bataille, Simon aperçoit son frère Guy tomber de son cheval, un carreau d’arbalète l’avait atteint au côté. Au moment où il s’apprête à lui porter secours, Simon reçoit une énorme pierre sur la tête lancée depuis le camp adverse. Il meurt immédiatement. Nous sommes le 25 juin 1218. Aussitôt, Amaury VI de Montfort, son fils aîné, fut investi officiellement des titres de son père et prit le commandement, mais le moral des troupes croisées n’y est plus. Il est contraint de lever le siège de la ville le 25 juillet. Avec la mort de Simon IV de Montfort, une page de la croisade albigeoise se tourne. 

    A l’autre bout de la Méditerranée, la croisade contre les musulmans faisait rage depuis 1217. Les croisés, menés par le roi de Jérusalem, Jean de Brienne, n’avaient pas réussi à en venir à bout des forces musulmanes présentes en Terre sainte. Aussi le roi envisage une autre stratégie. Prendre possession d’un port égyptien important : Alexandrie ou Damiette, et en négocier l’échange contre Jérusalem. Les navires croisés débarquent alors à Damiette le 29 mai 1218 et réussissent dans la foulée à forcer le passage sur le Nil le 24 août. Voilà les croisés maîtres du bras oriental du Nil. Au début de l’année 1219, un contingent français, mené par Hugues X de Lusignan, comte de la Marche et Simon, sire de Joinville, vient renforcer les troupes croisées déjà mobilisées en Egypte. Ils débarquent à Damiette à Pâques 1219. Pélage avait récemment été nommé par le pape Honorius III pour en prendre le commandement religieux. Al-Kamil, le sultan d’Egypte, acculé, invite les croisés à la négociation et propose la ville de Jérusalem contre leur départ d’Égypte. Tous sont évidemment favorables sauf le légat Pélage, soutenu par les Templiers et les croisés italiens. Le légat refuse de monnayer la ville sainte. Après une attaque infructueuse en juillet 1219, le 5 novembre, la ville de Damiette tombe enfin aux mains des croisés. La ville, hier musulmane, se transforma immédiatement en une ville chrétienne. Les mosquées furent fermées et les églises ouvertes. Les querelles n’en finissent pas de grossir  au sein du camp croisé : les Italiens souhaitent profiter de cette conquête pour développer le commerce alors que pour Jean de Brienne et les français, la ville devait servir de monnaie d’échange pour obtenir Jérusalem. Les querelles allaient courir jusqu’au mois de février 1220 et mettre gravement en péril le bon déroulement de la croisade. 

    Dans le Midi du royaume de France, depuis l’échec du siège de Toulouse et la mort de Simon IV de Montfort, son fils, Amaury VI se trouvait dans une bien mauvaise situation. Ses troupes se réduisaient comme peau de chagrin, chacun retournait sur ses terres du Nord.  Même si Le pape Honorius III avait envoyé une ambassade au roi Philippe Auguste, les conséquences de cette initiative n’allaient porter leur fruit que bien plus tard.  Au temps de Noël 1218, Bouchard de Marly débarquent dans le Midi avec un petit contingent de croisés. Amaury VI va profiter de ce renfort pour surprendre la ville de Marmande, sans succès. Il va alors mettre le siège devant la ville, nous sommes au début de l’année 1219. Raymond VII de Toulouse, le nouvel homme fort de la région, laisse les chefs de la ville se défendre pendant qu’ils en avaient largement les capacités humaines et militaires. Son analyse était sans doute juste sauf qu’au printemps 1219, Philippe Auguste décide d’envoyer son fils Louis à la tête d’un important contingent militaire en direction du Midi. Tous ces chevaliers du Nord arrivent à Marmande le 2 juin 1219. Les premières attaques croisées sont dévastatrices. Centule d’Astarac, le commandant de la place, voit son avenir s’assombrir.  veut négocier et accepte rapidement la reddition de la ville le 10 juin, en échange de la vie sauve pour lui et ses hommes. Le légat pontifical réclame pourtant la mort de Centule, comme hérétique et parjure, mais des barons protestent, estimant contraire à leur honneur de violer la parole donnée. Centule d’Astarac et ses hommes sont considérés comme des prisonniers de guerre. Malgré l’accord convenu entre les deux parties, les chevaliers du Nord étaient entrés dans Marmande et avaient commencé le pillage de la ville et le massacre de plusieurs milliers d’habitants. Fort de ce succès peu glorieux, Amaury VI de Montfort et le prince Louis se dirigent vers Toulouse. Raymond VII, au courant du siège de Marmande, en avait profité pour remonter les murs et améliorer les défenses de la ville. Le prince Louis se présente devant Toulouse en compagnie de Amaury VI de Montfort, le 17 juin 1219. L’efficacité de la défense des Toulousains est telle qu’après quarante cinq jours de siège, Louis baisse les bras et lève le siège. Les supplications d’Amaury de Montfort et du légat n’y feront rien. Louis quitte le Midi du royaume le 1er août 1219.

    La croisade albigeoise durait depuis maintenant dix ans et venait de vivre une sévère déconvenue. Il va falloir une intervention royale plus conséquente pour en voir le bout. Mais ce n’est pas encore le moment. Le règne de Philippe Auguste touche à sa fin, son fils Louis le futur Louis VIII va bientôt succéder à ce père si glorieux dans notre histoire. Mais la Providence ne lui laissa pas beaucoup de temps pour s’illustrer.