LE SIÈCLE CHRÉTIEN (1250/1254) – La croisade de Saint Louis – Terre sainte

Bonjour, nous avons terminé la dernière chronique sur la prise de Damiette par Louis IX et ses chevaliers croisés le 6 juin 1249. Fort de ce premier succès, l’avant-garde s’en alla par le Nil en direction du Caire. Mais la puissante et redoutable forteresse de la Mansourah arrêta subitement l’enthousiasme des croisés francs. Les jours de Louis IX en terres sarrasines ne sont pas encore terminés. Malheureusement, les derniers jours en Terre sainte ne furent pas aussi glorieux que les premiers en Égypte. Mais avant de vous raconter cette histoire, notre histoire, je veux vous dire que vous pouvez soutenir mon travail sur l’histoire de France en commandant un livre de ma maison d’édition ou en faisant simplement un don, pour en savoir plus, cliquez sur les liens en description de cette vidéo. Merci.

La Mansourah bloque l’armée croisée

En décembre 1249, après l’arrivée des troupes de son frère Alphonse de Poitiers, l’armée se dirigea vers le sud mais sur le chemin se dressait la ville de la Mansourah protégeant l’entrée du Caire. L’expédition fut immédiatement immobilisée car les troupes égyptiennes étaient là, positionnées près du fleuve. Les croisés d’un côté et les Sarrasins de l’autre, pendant un mois, ne purent se livrer qu’une guerre de position. Le 2 février 1250, un Bédouin converti au christianisme vint renseigner le connétable Humbert de Beaujeu de la présence d’un gué en aval du camp des croisés. Était-ce une ruse ennemie ? En dépit du risque, le roi et son conseil décidèrent d’agir. Une troupe composée du frère du roi Robert d’Artois, du comte de Salisbury et du maître du Temple eut pour mission de tenir une tête de pont en attendant l’arrière-garde. Ils se mirent aussitôt en route. Essuyant quelques escarmouches sarrasines, ils durent cependant lutter vigoureusement pour conserver leur position. Le comte d’Artois décida, sans ordre formel de son frère, de poursuivre les fuyards. Ne pouvant le laisser seul face à l’ennemi, la petite troupe s’élança imprudemment et pénétra dans un camp égyptien. L’émir et les siens périrent. Ragaillardi par ce succès, Robert d’Artois voulait poursuivre l’assaut, les chevaliers présents tentèrent bien de lui faire entendre raison, mais le comte n’entendit rien aux sages recommandations. Il se lança à corps perdu contre la Mansourah fortifiée. L’impétueux chevalier allait apprendre au prix de sa vie ce qu’il en coûtait de se prévaloir des ordres royaux. Une fois entrés dans la ville, croisés et mamelouks se livrèrent des combats de rue impitoyables. Deux cent quatre-vingts chevaliers allaient manquer à l’appel, parmi eux, Robert d’Artois, le frère du roi. Lorsque l’arrière-garde arriva, l’armée sarrasine s’était reformée si bien que les combats reprenaient avec vigueur. Les croisés français réussirent à les repousser malgré les incessantes attaques musulmanes aidées par le feu grégeois, une arme si redoutable. Le 8 février 1250, les Sarrasins battirent en retraite pour mieux réorganiser leur corps de bataille. À peine Louis IX eut-il le temps de sécher ses larmes, que l’armée égyptienne se reforma plus loin et barrait à nouveau la route du Caire. Louis IX décida de se retirer et de prendre appui depuis le camp du duc de Bourgogne. Un malheur n’arrivant jamais seul, la maladie de l’ost, la dysenterie, s’installait dans le camp croisé. Les quatre-vingts galères mobilisées pour évacuer les blessés et les malades furent interceptées par l’armée sarrasine. Louis IX tenta un échange : l’Égypte contre Jérusalem. La lenteur des pourparlers n’augurait rien de bon. Le nouveau sultan venant tout juste d’arriver en Égypte refusa l’offre du roi de France. Le trajet jusqu’à Damiette, qu’ils tentèrent de regagner à pied, paraissait insurmontable. Le roi, accompagné de son arrière-garde, put se reposer et tenter de se rétablir dans un village où ses proches l’installèrent dans une maison. Le 9 février 1250, la maison royale fut envahie et le roi, anéanti et épuisé, fut fait prisonnier. Pendant ce temps, l’avant-garde continuait sa marche vers Damiette quand, arrivée près de Fariskur, elle fut encerclée et les chevaliers furent écrasés le 6 avril 1250. Louis IX, bien que captif, fut bien traité par le sultan, ils eurent des échanges nourris, vifs et ne souffrant d’aucune complaisance. Louis IX était séquestré dans les geôles du sultan de Babylone et malgré l’issue mortelle inévitable, il passait chaque seconde à tenter de le convertir, l’unique motivation de son voyage. Très rapidement, la nouvelle gagna Damiette où Marguerite de Provence, sa femme, résidait toujours. Devenue chef militaire de l’armée croisée, le 8 avril 1250, elle mit au monde un fils, Jean Tristan. Le 3 mai 1250, Louis IX et le chef mamelouk, le nouveau chef de la région, se mirent d’accord : Damiette contre la libération du roi, quatre cent mille besants d’or pour ses compagnons en captivité y compris ceux des croisades précédentes. Pendant ce temps, d’autres chevaliers vivaient des moments plus difficiles ; ils étaient emmenés dans des enclos où il leur était demandé de renier leur foi, ceux qui refusaient étaient décapités. La reine Marguerite de Provence eut pour mission de réunir les quatre cent mille besants d’or et le 6 mai le roi était libéré.

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    Création de la Sorbonne

    Louis IX avait à cœur de soulager le plus pauvre, et cette vertu ne s’appliqua pas seulement auprès des plus grands nécessiteux. Lui, qui reçut une bonne éducation étant enfant, tenait à ce que les écoliers sans-le-sou puissent recevoir eux aussi une éducation honorable. À la fin des années 1250, à la demande de son confesseur et ami Robert de Sorbon, il participa à la fondation d’un collège destiné à accueillir de pauvres étudiants. Robert était l’exemple parfait de l’ascension sociale qui pouvait exister à l’époque ; lui le fils de vilain, grâce à une bourse, put intégrer l’Université de Paris et entreprendre des études supérieures et ainsi terminer maître en théologie. Sans doute voyait-il chez ces enfants sans instruction et sans-le-sou celui qu’il avait été jadis. Il voulut agir ! Pour le soutenir dans son ambitieux projet, Louis IX lui offrit quelques-uns de ses bâtiments pour permettre aux étudiants de s’y installer. Rapidement, une rue entière sera dévouée à l’enseignement. Le nom de Robert de Sorbon allait petit à petit s’effacer pour ne laisser place qu’à sa célèbre fondation connue aujourd’hui sous le nom de Sorbonne.

    La croisade des Pastoureaux.

    Pendant la présence du roi en Egypte, en France, Blanche de Castille, dut faire face à une révolte paysanne des plus meurtrières. En 1251, un chef quelque peu fanatique, un certain Jacob qui se faisait appeler le Maître de Hongrie, arriva en France et prétendait avoir reçu de la Vierge Marie une lettre affirmant que les puissants, les riches et les orgueilleux ne pourraient jamais reprendre Jérusalem. Seuls les pauvres, les humbles, les bergers y parviendraient. Il mena alors cette croisade appelée la croisade des pastoureaux. Galvanisés par ce Jacob, des paysans, des pasteurs de troupeaux laissaient leur famille, leurs terres pour prendre la route vers la Terre sainte. Alors ils traversèrent la France du nord au sud, les rangs grossissaient si rapidement qu’ils passèrent d’une centaine pour finir à plusieurs milliers. Dans un premier temps, Blanche voyait d’un bon œil cette troupe massive susceptible de venir en aide à son fils. Émue, elle les laissait continuer leur chemin sans la moindre obstruction. Au fil du temps, dans les rangs, se mêlaient des gens sans foi ni loi, motivés par les aumônes généreuses que les gens acceptaient de leur donner sur leur chemin et guidés par ce Jacob au comportement de plus en plus belliqueux et radical. Une troupe importante prit la direction de la capitale. Quand la reine Blanche vit le nombre impressionnant d’hommes présents à Paris, apeurée, elle demanda à parler au maître. Elle fut rassurée lorsqu’il lui confirma qu’ils souhaitaient simplement se rendre en Terre sainte pour aider son fils. Plus tard, elle apprit avec la plus grande des tristesses la violence de leurs forfaits à travers le royaume et comprit alors qu’elle avait été dupée. La population se cloîtrait chez elle à la simple annonce de leur arrivée, les églises étaient pillées, les prêtres et les juifs massacrés. Certains pastoureaux échappèrent au fil de l’épée en se rendant en Angleterre quand d’autres, une fois identifiés, finirent par se faire massacrer.

    La deuxième partie de la croisade débutait sous les meilleurs auspices. Le sultan de Damas lui accorda un sauf-conduit pour aller jusqu’en Terre sainte en pèlerinage. Il opéra un changement de politique après sa libération, en passant de la conquête à la résistance et en entreprenant un énorme programme de fortification des châteaux et des villes. Le premier hiver fut consacré à la sécurité d’Acre en entourant le bourg d’une haute muraille, et au cours de l’année 1251, il s’attela à la reconstruction de Césaré. En 1252 l’armée se porta sur Jaffa puis en 1253, le roi renforça le château de Sidon qui avait, quelque temps plus tôt, subi des attaques musulmanes meurtrières. À son arrivée, il pouvait constater, le cœur meurtri, la violence de la bataille. En digne souverain catholique, il se faisait un devoir d’enterrer dans des fosses les corps des chrétiens tués par les Sarrasins. Qu’importe qu’ils fussent en putréfaction et tout puants, le roi, contrairement aux chevaliers présents, mettait les corps en terre sans se boucher le nez. Au printemps 1253, une ambassade vint lui annoncer la mort de sa mère, Blanche de Castille, survenue le 27 novembre 1252 à Paris. Pendant deux jours, personne ne pouvait lui parler jusqu’à ce moment où il accepta de voir son ami de Joinville.

    Louis IX est de retour en France

    Il était temps pour Louis IX de penser à retrouver son doux royaume. Avant de prendre le large, il prit soin, en février 1254, de conclure une paix avec le sultan d’Alep et de Damas ; elle prit la forme d’une trêve de deux ans, six mois et quarante jours. Impatient de retrouver sa bonne terre de France, il précipita son départ et embarqua d’Acre le 25 avril 1254. Sur la route du retour, à bord de sa nef marseillaise, le légat Eudes de Châteauroux lui avait octroyé un immense privilège, celui de lui permettre d’ériger un autel pour y faire célébrer chaque jour la sainte messe. Quelle immense joie fut la sienne ! Très affaibli, il débarqua aux salins d’Hyères le 10 juillet 1254. Cinq ans après son départ, il retrouvait les siens, son peuple. Le roi, meurtri, cherchait désespérément les causes de l’échec de la croisade. Quand il entendit, sur la route, le prêche d’un certain Hugues de Digne portant sur la justice et l’humilité et après des échanges nourris avec Jean de Joinville, son ami, alors se dessina la voie, le programme politique de la dernière partie de son règne. Son royaume allait connaître une entreprise de moralisation sans précédent ! Désormais, Louis devint un roi eschatologique, instigateur d’une cité terrestre évangélique. Sa vie, ses actes politiques et son comportement n’eurent dès lors qu’un seul but : plaire à Dieu. À l’été 1254, Louis IX passa quelque temps sur les terres de Provence. Il fit route vers Aigues-Mortes, Le Puy, Clermont et bien d’autres villes de son royaume jusqu’à Saint-Denis où il déposa l’oriflamme. Il fit son entrée à Paris le 7 septembre 1254. De juillet à décembre 1254, Louis IX voulut réformer en profondeur son royaume, alors, pour y parvenir, il dicta une série de textes qui furent regroupés dans une Grande Ordonnance. Louis demanda à ce qu’elles soient proclamées en place publique. La Grande Ordonnance, promulguée en 1254, prévoyait d’assurer la moralité dans les actions menées par les officiers royaux (baillis et sénéchaux) chargés de maintenir l’ordre, de percevoir les impôts et de rendre la justice. Face au développement des appels à la justice du roi de la part de ses sujets, Louis IX se voyait contraint de faire des membres de son palais des spécialistes formés à mieux traiter les affaires qui leur étaient présentées. Diverses chambres, qui constitueront le Parlement de Paris, allaient alors être créées comme la Cour des Comptes, qui veillera à la bonne tenue des dépenses des villes. Louis IX codifia le droit et l’humanisa jusqu’à en donner lui-même l’exemple comme quand il rendit la justice sous un chêne à Vincennes.

    Conclusion

    La seconde partie du règne de Louis IX fut emprunt de bonté, de charité et de justice envers les plus pauvres de ses sujets. Il tenait à ce que chacun de ses sujets puisse jouir d’une justice exemplaire : « Que nul ne soit privé de son droit sans faute reconnue et sans procès » se plaisait-il à dire. Après la mort de l’empereur du Saint-Empire Frédéric II en 1250, Louis IX était le souverain le plus puissant et le plus respecté de la chrétienté. Jusqu’à sa mort, il aura la justice arrimée au cœur.