SAINTE ANNE : patronne des Bretons. [PODCAST AUDIO] Éditions Voxgallia

L’origine du culte voué par les Bretons à sainte Anne remonte au VIIIe siècle. Elle est assez curieuse ; voici comment la raconte la tradition à laquelle se mêle inévitablement une large part de légende. Au VIIe siècle, un des évêques de Vannes, saint Mériadec, pour répondre aux sollicitations des âmes ferventes dévouées à sainte Anne, avait élevé, aux environs de Vannes une chapelle dédiée à l’aïeule de Jésus-Christ et y avait placé une fort belle statue en bois, due au ciseau d’un artiste du temps.
L’affluence des pèlerins avait été grande dès la fin des travaux, mais, malheureusement, le sanctuaire édifié par saint Mériadec ne devait pas avoir longue durée. Des bandes de pillards, gens sans aveu, s’étaient répandus à cette époque dans tout le pays d’Armorique, y jetant la terreur et la dévastation.
L’oratoire de sainte Anne n’avait pas échappé au pillage, seule la statue s’était vue miraculeusement sauvée. Pour la soustraire aux profanations des barbares, les habitants du village de Keranna (village de sainte Anne, nom donné au hameau qui s’était groupé autour de la chapelle), l’avaient enfouie dans la terre à l’endroit même où s’élevait le petit temple. Elle devait y rester cachée plus de neuf siècles, de 699 à 1623. À cette date de 1623, le village de Keranna faisait partie de la commune de Pluneret, près d’Auray. Les vieux conteurs bretons disaient bien qu’une chapelle avait été élevée à sainte Anne dans le champ de Bocenno, mais il y avait si longtemps que le souvenir seul en subsistait. Or, ce champ appartenait à un laboureur nommé Nicolazic. « C’était un brave paysan breton de l’ancienne roche, dit Mgr de Ségur, au visage tranquille, ascétique, doux et grave à la fois. Son regard intelligent inspirait la confiance, et toute sa physionomie révélait la force du paysan breton avec la douceur du chrétien et de l’homme de prière. C’était lui que Notre-Seigneur avait choisi comme instrument de la glorification de sainte Anne, sa bienheureuse aïeule, comme il devait choisir, deux siècles et demi plus tard, l’humble petite Bernadette pour faire glorifier à Lourdes sa Mère Immaculée. »

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    En effet, à plusieurs reprises, sainte Anne était apparue à Nicolazic sous la figure « d’une belle Dame en blanc » et lui avait dit en substance : « Je suis Anne, mère de Marie. Dites à votre recteur que dans la pièce de terre que vous appelez le Bocenno, il y a eu autrefois une chapelle dédiée en mon nom. Il y a neuf cent Sainte Anne quatre-vingt-quatre ans et six mois qu’elle a été ruinée. Je désire qu’elle soit rebâtie aussitôt et que vous vous chargiez de ce soin. Dieu veut que j’y sois honorée. Bientôt vous verrez
    des miracles en abondance et l’affluence du monde qui viendra en ce lieu sera le plus grand de tous les miracles. »
    Très ému, mais aussi très craintif, Nicolazic fait part au recteur, alors en fonctions, Dom Sylvestre Rodouez, des révélations troublantes de la Dame en blanc. Dom Sylvestre, très prudent ordonne à Nicolazic de se tenir sur la réserve et de beaucoup prier. Cependant les apparitions se renouvellent ; sainte Anne devient de plus en plus pressante. Un soir que Nicolazic disait son chapelet avec grande dévotion, il voit la clarté d’un flambeau remplir sa chambre d’une vive lumière. En même temps, la mère de Marie lui apparaît, rayonnante de beauté et de majesté et lui dit :

    « Yves Nicolazic, appelez vos voisins et menez-les avec vous au lieu où ce flambeau vous conduira. Vous y trouverez l’image qui vous fera connaître toute la vérité de ce que je vous ai promis. »

    Puis elle disparaît, laissant Nicolazic dans une grande joie. Malgré l’heure tardive, le brave homme se lève, tout prêt à obéir à « sa bonne Maîtresse », comme il appelle sainte Anne. Le flambeau allumé marche devant lui pour lui indiquer le chemin. Il arrive ainsi au champ de Bocenno et là, demeure tout étonné. La lumière mystique s’est arrêtée à l’endroit précis où, de mémoire d’homme, jamais la charrue n’a pu passer. Dès que les boeufs s’en approchent, ils refusent d’avancer et, si on les force, ils se cabrent et
    brisent l’attelage. Or, la lumière indique comme étant l’emplacement bénit, cette même partie du champ frappée d’interdit. Très troublé, Nicolazic retourne en arrière pour demander à quelques voisins de venir l’assister, ainsi que lui a commandé sainte Anne. Bientôt il revient accompagné de cinq parents et amis. Le flambeau allumé les précède, élevé à environ trois pieds de terre. Quand ils approchent de l’endroit mystérieux du champ de Bocenno, la lumière s’arrête. Trois fois elle s’élève et redescend, puis elle disparaît dans la terre.

    « C’est là que Madame sainte Anne veut que nous cherchions, dit Nicolazic ; prenez votre hoyau et piochez comme moi aussi je vais le faire. »

    À peine les travailleurs ont-ils creusé la terre qu’ils sentent de la résistance, leur pioche a heurté un bloc de bois. Avec précaution, ils poursuivent leurs fouilles et finissent par mettre à jour une statue de bois à demi rongée par l’humidité. La figure néanmoins est assez intacte pour retracer l’image connue de sainte Anne ; quelques vestiges de peinture blanche subsistent encore sur la robe. Nicolazic et ses aides dressent la statue contre le talus voisin et retournent se coucher. Dès le lendemain matin, tous reviennent au lieu de leur découverte. Ils nettoient la statue et, par respect, l’élèvent sur le haut du talus afin, que des alentours, on puisse apercevoir la sainte protectrice des Bretons. Ici se place un fait que les historiens considèrent comme un miracle. Le surlendemain du jour où la statue avait été découverte Nicolazic et ses amis se rendaient au champ de Bocenno quand, de loin, ils aperçoivent la sainte image entourée d’une grande lumière ; en même temps ils entendent un bruit sourd comme celui d’une foule qui ’approcherait.
    En effet, des quatre côtés de l’horizon, ils voient des troupes de pèlerins qui s’avancent. Tous portent des costumes de cantons fort éloignés des diocèses voisins. Comment ces voyageurs ont-ils appris la miraculeuse découverte ? En calculant les distances et le temps qu’il a fallu pour les franchir, les pèlerins ont dû entendre l’appel de sainte Anne à l’heure même où la statue était découverte. « C’était, dit Mgr de Ségur, la réalisation de la prédiction de sainte Anne elle-même. Elle avait annoncé cette soudaine et prodigieuse affluence comme la plus étonnante des merveilles qui allait manifester sa puissance en ce lieu. »