Philippe IV le Bel convoque les États Généraux en 1302

Bonjour, je vous emmène au tout début du XIVe siècle. Philippe IV le Bel régnait sur le royaume de France depuis 1285. En 1295, alors en proie face aux velléités d’indépendance des villes flamandes, Philippe IV le Bel décida de riposter militairement. Pour entretenir son armée et sa marine, il voulut lever un impôt sur tout sujet de son royaume incluant le clergé. Boniface VIII avertit officiellement Philippe IV des plaintes de ses sujets qui lui arrivaient de toute part du royaume et des exactions que ses officiers exerçaient contre les Églises de France. En 1296, le pape rappela au roi que “ le clergé ne pouvait être soumis à aucun impôt sans l’accord du Saint-Siège.” et plus tard, en 1302, le pontife romain insista sur “la supériorité du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel, et par ce biais la supériorité du pape sur les rois, ces derniers étant responsables devant le chef de l’Église.” La guerre entre les deux souverains était déclarée. Pour asseoir son autorité et pour emporter l’adhésion populaire à sa politique, le roi de France convoqua pour la première fois des États Généraux du royaume.  Comment se sont déroulés ces États Généraux ? Quelles en furent les conséquences ? C’est ce que nous allons voir tout de suite. Bon épisode.

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    Philippe IV le Bel devait convaincre l’opinion du bien fondé de sa politique et légitimer son opposition au pape. Le 10 avril 1302, il réunit à Notre-Dame de Paris les trois ordres qui composaient la société médiévale : la noblesse, le clergé et le tiers-état. Une multitude de discours seront prononcés destinés bien évidemment à convaincre les membres de l’assemblée. Pierre Flotte, le chancelier du roi, eut pour mission d’interpréter la bulle proclamée par le pape mais sans ressentir la nécessité d’en lire les arguments. Il était clair pour l’assemblée, qui avait eu connaissance du texte, qu’il avait été modifié dans le but d’exciter l’opinion contre le pape. Loin de contester les arguments, l’assemblée applaudit le chancelier vigoureusement.  Le roi de France prit la parole et demanda aux trois ordres de se prononcer. La noblesse et le tiers-état déclaraient “être prêts à sacrifier leurs biens et leur vie pour la défense des libertés du royaume.” Quant au clergé, sa position était inconfortable, après un temps d’hésitation, il finit par donner raison au roi. Le clergé eut la mission d’avertir le pape des décisions prises lors de cette assemblée. De son côté, le pape ne resta pas inactif. Même si Philippe IV le Bel envoya un prélat afin de dissuader le pape d’organiser un concile, le vicaire du Christ, décidé à s’opposer à cette démonstration d’autorité royale sans précédent, ne se laissa pas influencer et réunit un concile à Rome le 30 octobre 1302. Le pape en profita pour rappeler que le pouvoir temporel devait être exercé en relation, et non en opposition, avec le pouvoir spirituel. Cette théorie médiévale des deux glaives fut évoquée dans les Évangiles : 

    Les paroles de l’Évangile nous l’enseignent : cette puissance comporte deux glaives […] Tous deux sont au pouvoir de l’Église, le glaive spirituel et le glaive temporel. Mais celui-ci doit être manié pour l’Église, celui-là par l’Église. […] Le glaive doit donc être subordonné au glaive, et l’autorité temporelle à l’autorité spirituelle.

    La réaction du roi ne se fit pas attendre. Il convoqua trois assemblées : le 17 & 20 janvier et le 12 mars 1303 au palais du Louvre avec seulement quelques nobles et prélats. Le tiers-état n’était pas présent. L’assemblée condamna le pape d’hérésie et de simonie, et le garde des sceaux de Philippe IV le Bel, Guillaume de Nogaret alla jusqu’à proposer de poursuivre le pape pour tyrannie. Boniface VIII prononça la déchéance officielle du roi de France. La tension monta d’un cran. Philippe IV le Bel convoqua à nouveau des États Généraux en juin 1303 au cours desquels fut décidé le remplacement rapide du pape. Tout simplement. Le roi de France convoqua un concile oeucuménique à Lyon pour juger le pape et le déposer. Guillaume de Nogaret fut chargé d’aller avertir le pape en personne de la tenue du concile. Apprenant l’arrivée imminente de Nogaret et de ses hommes, le pape prononça immédiatement l’excommunication du roi Philippe IV le Bel. En réaction et cherchant à empêcher la publication de la bulle d’excommunication, le 7 et 8 septembre 1303, Guillaume de Nogaret, accompagné de 600 cavaliers et de 1500 fantassins menés par les redoutables chefs de guerre Colonna et de Supino, entra dans la ville d’Anagni, mirent le feu à la cathédrale, s’emparèrent du pape et le forcèrent à renoncer à sa charge. Guillaume de Nogaret, après avoir réussit à calmer l’hostilité évidente des deux militaires, déclama l’acte d’accusation au pape. Choqué, le pontife demeura cependant inflexible sur ses positions et déclara avec dignité :

    Voici mon cou, voici ma tête. J’ai soif de la morl pour la foi de Jésus-Christ et pour l’Eglise 

    Libéré grâce à l’intervention de la population d’Anagni, Boniface VIII ne survivra pas à l’épreuve inédite dans l’Histoire de France et mourut un mois plus tard le 11 octobre 1303. La haine de Philippe IV envers Boniface VIII alla jusqu’à demander au futur Clément V de déterrer le corps de Boniface VIII et de le brûler publiquement. 

    Les États Généraux furent un tournant dans l’histoire de France et dans celle de l’Église. Cet événement entraîna la dislocation progressive de l’Église et par conséquent du royaume de France. L’Église s’affaiblira par le grand schisme d’Occident au XIVe siècle, par la Réforme protestante puis par les Lumières. Le royaume de France, quant à lui, changera de dynastie rapidement après la mort de Philippe IV le Bel pour entrer dans celle de Valois et des Bourbons amenant doucement la Révolution française. Saint Rémi, lors du baptême de Clovis, avait prévenu :

    Le roi sera victorieux et prospère tant qu’il sera fidèle à la foi romaine. Mais il sera châtié toutes les fois qu’il sera infidèle à sa vocation. Il soumettra tous les peuples à son sceptre. Il durera jusqu’à la fin des temps !