Le Grand Ferré – un héros paysan à la fin du Moyen-Âge

Nous sommes en 1359 en pleine guerre de Cent Ans à Longueil près de Compiègne en Picardie. L’histoire que je vais vous raconter, tirée des chroniques de Jean de Venette, nous rapporte est celle d’un héros paysan appelé le Grand Ferré en raison de sa corpulence extraordinaire. Courageux et doté d’une force incroyable, il terrorisa ses adversaires et repoussa à plusieurs reprises, aidé par d’autres paysans, des troupes anglaises venues attaquer son paisible village picard. Qui était le Grand Ferré ? Comment se sont déroulés ces affrontements insolites ? C’est ce que nous allons voir tout de suite. Bon épisode.

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    Au XIVème siècle, une partie du royaume de France était occupée par le royaume d’Angleterre. Exaspérés par des attaques incessantes, deux cents paysans décidèrent de défendre leur village contre l’envahisseur anglais et pour cela se choisirent un chef : le capitaine Guillaume L’Aloué. Le valet de celui-ci allait rapidement s’illustrer par sa dextérité et son courage fabuleux : son nom ? Le Grand Ferré. Les paysans du village sentaient un risque possible d’attaque anglaise alors ils demandèrent à leur seigneur et à l’abbé la permission de fortifier le château. Une fois obtenue, ils se mirent à l’abri dans le château, se dotèrent d’armes et de nourriture, et se jurèrent de se défendre jusqu’à la mort si nécessaire. Tous les villages voisins accouraient pour se protéger. Apprenant la fortification du château par de simples paysans, les anglais, situés tout près à Creil, se plaisaient à les ridiculiser : “Allons chasser ces manants, dirent-ils ; le lieu est bon et fort, occupons-le.”

    Deux-cents anglais débarquèrent au château confiants dans leur victoire. Après s’être battu avec courage, le capitaine L’Aloué trépassa et laissa son valet le Grand Ferré et deux cents paysans livrés à eux-même. Les braves paysans se jetèrent sur les anglais avec une telle rage qu’à chaque coup porté un anglais tombait. Mais parmi ces illustres hommes, le grand Ferré s’illustra particulièrement. Dépassant tout le monde d’une tête, à chaque coup lancé, un casque se brisait, une tête se fendait, un bras tombait. Quand il vit un anglais au milieu du chemin avec son étendard, il le trucida, prit le drapeau et demanda à son ami d’aller le jeter dans le fossé. Mais l’ami hésita car une masse d’anglais demeurait encore sur le chemin. Qu’à cela ne tienne ! Le Grand Ferré fit le passage aidé par sa hache et une fois arrivé au fossé, jeta le drapeau ennemi dans la boue.

    A lui tout seul, il finira par en tuer 85 et en blesser bien plus. A la vue de tant de hargne, les anglais cessèrent les combats et se mirent à fuir. Le grand Ferré put se reposer un peu et une fois revigoré, il se rua sur les quelques anglais encore présents. Humiliés d’avoir été tenu en échec par de simples vilains, les soldats anglais furent quelque peu irrités et décidèrent de revenir le lendemain avec plus de soldats encore. Au levé du jour, ragaillardi, les paysans picards allèrent à leur rencontre avec entrain, le Grand Ferré en tête. L’anglais voyait arriver sur lui cette silhouette massive tenant une hache meurtrière. Ce jour là encore, le Grand Ferré en tua un grand nombre. Le combat était épuisant alors il se rafraîchit d’une grande quantité d’eau, trop peut être car la fièvre le gagna aussitôt. Fatigué, il rentra dans son village et s’allongea avec, près de lui, sa hache, sait-on jamais…

    Les anglais, quand ils apprirent que le Grand Ferré était malade, décidèrent de dépêcher douze soldats chez lui pour l’exécuter. Quand sa femme les vit approcher, elle réveilla son mari et lui dit : “Oh ! mon pauvre Ferré, voici les Anglais, que vas-tu faire ? L’homme diminué se leva et quand les anglais entrèrent, il dira : “Ah ! brigands ! vous venez pour me prendre au lit ! Vous ne me tenez pas encore.” Cinq périrent sous sa hache et les sept autres prirent la fuite. Une fois terminé, il retourna dans son lit et bu à nouveau une grand quantité d’eau froide à la suite de quoi la fièvre redoubla. Quelques jours plus tard, il rendit son âme à Dieu et fut enterré au cimetière du village. Les larmes coulaient sur les joues de ses compagnons de combat. En 1889, la commune de Longueil-Sainte-Marie érigea une statue en l’honneur du Grand Ferré.