GILLES DE RAIS : MARÉCHAL de FRANCE et compagnon de Sainte JEANNE D’ARC (PART 1)

Bonjour, au XVe siècle, en pleine Guerre de Cent Ans, Gilles de Rais, celui qui allait devenir le puissant chevalier et seigneur de Bretagne, d’Anjou, du Poitou et du Maine, naît au château de Champtocé-sur-Loire. La vie aussi glorieuse que criminelle du personnage a fait couler beaucoup d’encre au fil des siècles. Lors de ses procès, à Nantes, le seigneur de Rais déplora l’influence néfaste de son grand-père, Pierre de Craon, sur son éducation. L’ailleul de Gilles de Rais s’était illustré dans la tentative d’assassinat du connétable Olivier de Clisson en 1392. A 24 ans, en 1428, le baron de Rais se met au service de son cousin, le grand chambellan Georges de la Trémoille. L’homme était proche de la cour de Charles VII et le chef d’un parti de cour. Le sieur de Rais, qui dégageait un parfum de faste et de richesse, a très vite intégré le clan des fidèles de la cour du roi de France.

Le siège d’Orléans

Gilles de Rais à cheval

En 1429, Gilles de Rais va connaître son moment de gloire aux côtés de sainte Jeanne d’Arc lors du siège d’Orléans. Quand Jeanne arrive à Vaucouleurs pour rencontrer le seigneur Baudricourt, Gilles est à Chinon aux côtés du dauphin Charles. Le seigneur breton fait partie des familiers du futur Charles VII. Quand soudain, sainte Jeanne d’Arc et ses compagnons d’armes mettent le siège devant Orléans, Gilles de Rais s’illustre dans la bataille et la ville est libérée des Anglo-bourguignons. Peu de temps après, fidèle à sa mission, sainte Jeanne conduit le dauphin Charles dans la capitale du sacre, à Reims. Nul ne peut prétendre à la couronne de France sans être, préalablement, passé devant l’autel. Lors du sacre, survenu le 17 juillet 1429, aidé par Georges de la Trémoille et auréolé de quelques faits d’armes notables, Gilles de Rais reçoit l’insigne honneur d’être fait maréchal de France. Il avait 25 ans. Il reçut également la lourde et importante mission d’aller chercher la sainte ampoule à l’abbaye de Saint Remy. Il s’y rendit en grande pompe, bannière au vent. Gilles de Rais était au sommet de sa gloire. 

L’âme de Jeanne

Mais le prestige du baron breton ne dura pas longtemps. Lorsque sainte Jeanne d’Arc, reçut, d’un chevalier anglais, un carreau d’arbalète en pleine poitrine, Gilles de Rais s’en était déjà retourné rejoindre le camp royal ; il n’était qu’un chevalier, un chef de guerre, certes il fut un compagnon momentané de sainte Jeanne d’Arc, mais la mission surnaturelle de la Pucelle ne le concernait pas. Le preux breton guerroyait de Blois à Orléans, de Reims à Paris, en homme fidèle de Charles VII. C’est à partir de cette époque que Gilles connut des moments incertains et difficiles. Sa richesse était réelle mais était-elle suffisante pour soutenir, à ses frais, la solde de ses hommes pendant si longtemps ? Car dans ces derniers temps médiévaux, le seigneur devait subvenir aux frais de ses hommes. Gilles de Rais, soumis aux ordres d’un protecteur plus puissant que lui, Georges de la Trémoille, n’avait pas les moyens de mener une politique personnelle. Très vite, il se fait oublier, sa fortune fragile ne lui permet pas de rester dans le premier cercle du pouvoir. De plus, la perte progressive d’influence de la Trémoille auprès du roi entraîna inévitablement sa propre chute. 

En août 1432, Gilles de Rais se montre à nouveau vaillant lors de la bataille de Lagny, près de Paris. Jean de Lancastre, duc de Bedford, et régent du royaume de France nommé par  Henri VI, le roi d’Angleterre, assiège la ville. L’ost royal réussit à en venir à bout, Bedford se retire de Paris et abandonne la ville aux vainqueurs. Gilles de Rais, par cette victoire, redore un peu son blason quelque peu écorné. Au même moment, Georges de la Trémoille, voulant soutenir son protégé breton, lui avance dix mille pièces d’or pour que le sieur de Rais s’engage auprès du duc de Bourbon pour libérer la ville de Grancey, assiégée par les Bourguignons. Gilles, ragaillardi par la victoire récente à Lagny, lève des troupes en Bretagne mais décide finalement de renoncer et confie ses troupes à son frère, René de la Suze. La ville finit par se rendre, sans combat, à Philippe le Bon, le duc de Bourgogne. 

Portrait de Gilles de Rais

L’homme était un seigneur prestigieux et un vaillant combattant mais ses échecs militaires successifs et sa façon désinvolte de gérer ses héritages vont rapidement lui attirer une mauvaise réputation. Une faillite personnelle était en cours. Ne pouvant assumer de si lourdes dépenses militaires, Gilles de Rais ne s’engagea plus dans les grandes entreprises militaires royales. Lors de la signature de la paix d’Arras, entre Charles VII et Philippe le Bon, son patronyme ne figure pas sur les registres. 

Âgé de trente ans, Gilles de Rais laisse le métier des armes au service du roi, sûrement par manque de sollicitation, et entre progressivement dans une déchéance politique et sociale. Rapidement, son manque cruel d’argent, va le transformer en chef de bande, et s’adonner avec ses comparses, à des raids de brigandage à travers la Bretagne. Ses préoccupations ne sont plus de briller à la cour de Charles VII, ni de combattre aux côtés de son roi, mais de maintenir ses prérogatives territoriales sur ses terres. La gloire du combat laissait la place aux razzias et aux rançons. La bande de routiers, hommes sans honneur et sans foi, œuvrant au service des ambitions et des caprices du sieur de Rais, traînait une triste réputation à travers le pays. Gilles les avait à sa solde. Ils pillaient les villes, rançonnaient les campagnes, et pouvaient même lancer des raids sur la ville d’Orléans récemment libérée. 

La vie de Gilles de Rais ne prenait pas une tournure vertueuse. Ses héritiers, le 2 juillet 1435, rédigèrent un Mémoire dont le but était de convaincre le roi de mettre le seigneur breton sous tutelle, et de lui interdire de vendre ses biens, de négocier sans autorisation royale. Gilles fut averti et les lettres affichées et criées partout en Bretagne. Le duc Jean V n’en tint pas compte et continua d’acheter ses terres. Des querelles entre Bretons et Français étaient en passe de renaître. Le baron de Rais était plus insensé et excessif qu’incapable. 

Le XVe siècle, crépuscule d’un Moyen Âge hautement chrétien, est une époque charnière. Des seigneurs pouvaient à la fois s’adonner à de vils besognes et témoigner d’une profonde et sincère foi en Dieu. Quand la foi s’éloigne du pouvoir, fatalement, elle s’éloigne également des cœurs. Gilles de Rais, à ce moment de sa vie, était encore de ces hommes-là. Un cartulaire de Rais témoigne, qu’en juillet 1427, à Bourgneuf-en-Retz, le seigneur breton avait fondé, sur son propre domaine, une aumônerie ainsi qu’un hôpital et un Hôtel-Dieu pour recueillir les pauvres. Une chapelle avait même été érigée pour y dire trois messes par semaine. Deux autres maisons étaient prévues pour aider les pauvres femmes de la région. Le 26 novembre 1432, il décida de réparer les torts commis par son grand-père, Pierre de Craon, envers l’aumônerie du Loroux-Bottereau. Ses œuvres pieuses ne vont pas s’arrêter là. Il fonde la chapelle de Machecoul en mémoire des saints Innocents et la dote de généreuses rentes, revenus et possessions. La chapelle comprend un vicaire, un doyen, un archidiacre, un trésorier, des chanoines, un chapitre et un collège. Malheureusement, ses largesses spirituelles étaient tentées d’ostentation et d’orgueil. Le 15 août 1434, il se fait recevoir comme chanoine dans le chapitre de la cathédrale Saint-Hilaire de Poitiers. Il s’y était rendu en compagnie de chapelains et de chantres. Un véritable coup d’éclat ! Même les ducs d’Aquitaine n’avaient pas osé se faire chanoine en cette cathédrale. Désormais, il allait faire parler de lui non plus sur le champ militaire mais sur le champ spirituel.

Ne pouvant plus briller à la cour par son faste, Gilles de Rais décida de briller auprès de ses sujets. Exemple de ses excès, le jeune Rossignol, chantre dans le chœur de la cathédrale de Poitiers, allait goûter des largesses du sieur de Rais. Il le fit venir à Machecoul, le combla, lui et ses parents, de terres situées près du château. Cette généreuse dotation suffisait à nourrir la famille. Il n’en fallait pas plus pour faire naître de redoutables rumeurs. Ses dépenses excessives et déraisonnables étonnaient, choquaient la population. Fallait-il y voir un moyen pour lui de retrouver un faste perdu ?

Le mystère d’Orléans

De septembre 1434 à août 1435, Gilles de Rais se trouve à Orléans, là où il avait un temps fait montre de bravoure. Non satisfait de se promener en permanence avec sa chapelle et ses hommes de combat, tel un baron de haute lignée, Gilles va aggraver sa situation financière en organisant un spectacle en son honneur. Depuis la victoire de sainte Jeanne d’Arc sur les Anglais, les orléanais fêtaient la libération en organisant des fêtes en plein cœur de la ville. Gilles de Rais engage de lourdes dépenses dans l’organisation du Mystère d’Orléans, spectacle retraçant la libération de la ville. Le seigneur breton n’hésite pas à se mettre en scène tel un général romain victorieux. Il joue un rôle de premier plan. Le présence d’un capitaine breton dans Orléans ne manque pas d’étonner les habitants. Le Mystère d’Orléans rencontre un vrai succès. L’homme est plus endetté que jamais. A l’été 1435, il est contraint de mettre en gage chez des aubergistes : du mobilier et des pièces de sa chapelle, un reliquaire de saint Honoré, des vêtements liturgiques, et d’emprunter de l’argent auprès de changeurs de la ville. Incapable de rembourser un certain Jacques Boucher, il lui laisse en gage un cheval. Acculé, il est rapidement obligé de vendre ses terres et ses seigneuries de l’Ouest de la France. 

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