GILLES DE RAIS : les procès de Nantes

La chute

La chute de Gilles de Rais était imminente. En plus de ses effroyables crimes, le seigneur breton s’était mis à dos de puissants personnages. En vendant ses terres et ses domaines à qui était prêt à payer, certains ont craint pour leur intégrité territoriale. Ses terres, pour certaines d’entre elles, étaient à la frontière entre le duché et le royaume. Un scandale éclata quand Gilles voulut s’emparer, les armes à la main, de la seigneurie de Saint-Etienne-de-Mer-Morte. Gilles l’avait vendu à Guillaume le Ferron, archidiacre, puis évêque de Léon et surtout frère du trésorier du duc. Guillaume prit possession du château et le duc demanda aux habitants de ne plus payer l’impôt à Gilles. Le 25 mai 1440, Gilles avec ses hommes, jour de la Pentecôte, entoura le château, et fit irruption dans l’église pendant la sainte messe, l’épée à la main. Il demanda au prêtre, Jean le Ferron, de sortir. Gilles l’emprisonna. Il avait rompu l’immunité ecclésiastique. Le prétexte fut trouvé pour l’évêque. Le duc le somma de libérer le prélat mais Gilles aggrava la situation en emprisonnant le frère du prisonnier venu le secourir, ainsi que le receveur de taxe du duc et le sergent général du duché. Le 15 septembre, le capitaine d’arme du duc, Jean Labbé, avec quelques hommes d’armes, se présente devant le château de Machecoul et signifia la citation à comparaître devant le tribunal ecclésiastique de Nantes. Plusieurs de ses soutiens avaient fui.

La troupe de Rais prit le chemin de Nantes avec Prelati, Poitou, Henriet et Blanchet. Conscient de ce qui l’attendait, Henriet tenta de se suicider. Avant l’intervention ducale au château de Machecoul, des enquêtes avaient été menées sur son compte, et les rumeurs avaient été vérifiées. Le résultat des enquêtes et le crime de Saint-Etienne-de-Mer-Morte furent suffisants pour intervenir. Le 30 juillet 1440, l’évêque publiait une lettre constatant que Gilles et ses complices s’étaient rendus coupables de meurtres d’enfants, de crime contre nature et d’évocation aux démons accompagnés d’offrandes et de sacrifices. La justice séculière du parlement avait mené son enquête et arrivait aux mêmes conclusions.

Les procès de Nantes

Procès de Gilles de Rais

Bien plus tard, certains avaient crié au scandale et au procès truqué sauf que la famille de Gilles, Catherine de Thouars, son épouse, Marie de Craon, sa fille, n’ont jamais contesté les procès ou crié au déni de justice. Pour les proches parents du seigneur de Rais, ils ont simplement revendiqué leur part d’héritage. Tout au plus accusent-ils le duc, alors que Gilles ne semblait pas en pleine possession de ses moyens, d’avoir profité de l’occasion pour saisir ses possessions. Le procès ecclésistique ne relevait pas de l’Inquisition mais simplement de la cour de justice épiscopale. La procédure écclésistique semble d’ailleurs mieux menée que la justice civile. Les dépositions sont consignées par écrit et les contenus et les noms communiqués à l’accusé. Le tribunal écclésistique ne traitait que les crimes relevant de sa juridiction à savoir l’apostasie, l’hérésie, les pratiques magiques et divinatoires, le commerce avec le diable, et la sodomie. Gilles est emprisonné dans une des chambres hautes du château de la Tour Neuve de Nantes quant à ses serviteurs, ils sont enfermés dans les cachots ordinaires. Lors des procès, les débats étaient publics et de nombreux témoins, licenciés en droit, chanoines, dignitaires de l’église, notables et marchands de la ville, étaient appelés pour entendre les dépositions des plaignants. La lecture des accusations, les réponses de Gilles puis ses aveux furent prononcés devant un public nombreux de nobles et de gens du peuple. Les actes étaient rédigés en français pour la cour ducale et en latin pour la cour ecclésiastique.

Exécution de Gilles de Rais
  • Le 18 septembre 1440, Gilles de Rais comparaît pour la première fois devant la cour ducale. Lui sont reprochés les meurtres d’enfants et l’agression contre Jean le Ferron dans l’église. Quatre vingt deux personnes sont entendues.
    Le lendemain, 19 septembre, Gilles entend le procureur de la cour épiscopale l’accuser d’hérésie.
  • Du 28 septembre au 11 octobre, l’évêque entend neuf personnes témoignant de la perte d’un enfant. Gilles récuse ses juges et fait appel au roi. La demande est rejetée.
  • Le 13 octobre, le procureur lit l’acte d’accusation comprenant 49 articles.
  • Les 16 et 17 octobre : ses compagnons sont entendus.
  • Le 21 octobre, menacé de subir la torture, Gilles de Rais confesse ses crimes, implore le pardon des parents, incrimine le désordre dans son éducation et ses excès de table. Plus tard, certains défendront que les aveux de Gilles, de ses hommes ont été receuillis sous la contrainte et la torture. Sauf que les témoignages, recueillis de façon séparée et à différents moments, correspondent tous et de façon précise. Les hommes du seigneur de Rais avouèrent, au moment du procès, avoir fait de belles promesses aux jeunes enfants et confessèrent leurs rapts et leurs assassinats.
  • Le 23 octobre : deux de ses compagnons, Henriet et Poitou, avouèrent leur participation. Ils furent pendus et brûlés. Prelati et Blanchet échappèrent à la mort.

Gilles de Rais est reconnu coupable. La sentence est prononcée devant une foule considérable. Le baron de Retz est accusé d’hérésie, d’apostasie, de commerce avec le démon et de crime et vice contre nature avec des enfants des deux sexes. Excommunié, il obtint de revenir dans l’Eglise après une confession à un religieux des Carmes. Pour les meurtres d’enfants, il est condamné à être pendu au gibet de la Biesse, et ensuite d’être brûlé. Il put se repentir et obtenir la garantie que son corps ne serait pas réduit en cendres mais enlevé à temps du bûcher et enseveli dans une église.

  • Le 26 octobre, une procession autorisée par l’évêque parcourait les rues de la ville, regroupant une foule immense de gens du peuple priant pour l’âme de Gilles et de ses serviteurs. Un auteur rapporte, aux dires de plusieurs historiens, que père et mère de famille jeûnaient pendant trois jours pour mériter aux coupables la délivrance et le repos de leur âme. Trois gibets furent dressés, Gilles fut pendu le dernier. Le corps de Gilles fut conduit à l’église des Carmes.