LE SIÈCLE CHRÉTIEN (1235/1239) – sainte Couronne d’épines / croisade des barons

Bonjour, après le mariage royal survenu le 27 mai 1234, Louis IX donne un nouvel élan à son règne. Il commence petit à petit à s’émanciper de cette mère très présente, même si désormais, âgé de 21 ans, le roi de France a atteint sa majorité, la reine-mère Blanche de Castille continue de régner sur le royaume et sur le roi. Après avoir combattu avec énergie les barons du royaume, Louis IX va consacrer les prochaines années à une cause plus grande, plus noble et faire du royaume de France, le cœur de la chrétienté médiévale. C’est cette histoire que je vais vous raconter, notre histoire.  

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    Le mariage de Blanche et de Jean

    L’année 1235 commence sous les meilleures auspices. Le 16 janvier, le fils de Pierre Mauclerc, Jean Ier le Roux, se marie avec Blanche de Champagne, la fille de Thibaut le comte de Champagne. Permettez-moi d’apporter une précision spécifique au duché de Bretagne. Depuis quelques épisodes, je vous ai parlé de Pierre de Dreux plus connu sous le nom de Pierre Mauclerc, le duc de Bretagne. Pierre est duc non pas par hérédité mais de jure uxoris c’est-à-dire qu’il utilise ce titre de noblesse au nom de sa première épouse Alix de Thouars, elle, duchesse de Bretagne de plein droit. Pendant la minorité de leur fils aîné, Jean Ier de Bretagne, Pierre Mauclerc exerce la fonction de baillistre, c’est-à-dire de tuteur de l’enfant. Par commodité, Pierre Mauclerc se fait appeler duc de Bretagne. A sa majorité, Jean Ier le Roux sera, pour le coup, pleinement duc de Bretagne. 

    L’achèvement de l’abbaye de Royaumont

    Tout au long de son règne, Louis IX n’aura de cesse de soutenir les initiatives de construction d’édifices religieux. La construction de l’abbaye de Royaumont, située dans le Val d’Oise, au nord de Paris, fut achevée en 1235. Le père de Louis IX, Louis VIII, avait souhaité, au soir de sa vie, fonder  un monastère dédié à la sainte Vierge et affilié à Saint-Victor de Paris. Les joyaux de la couronne allaient être vendus pour en assurer le financement. Louis IX, pendant tout le temps des travaux, s’impliqua au point de porter lui-même les pierres et le mortier sur le chantier. Ses frères, qui participaient également au chantier, étaient beaucoup moins zélés. Ils en firent d’ailleurs les frais, Louis IX n’hésita pas à les réprimander publiquement quand ils ne mettaient pas suffisamment de cœur à l’ouvrage. 

    L’expulsion des dominicains à Toulouse

    Le traité de Paris de 1229 avait véritablement calmé les ardeurs de Raymond VII, le comte de Toulouse. Les conséquences avaient été importantes, une grande partie de ses domaines lui avaient été confisqués au profit de Louis IX. A l’issue du traité, quand le comte revint dans sa ville de Toulouse, le cardinal de Saint-Ange, le légat pontifical, régnait en maître sur la région. La chasse aux hérétiques était d’ores et déjà active. L’Inquisition, créée depuis peu, fut, par la volonté papale, remit aux mains non plus des évêques mais des dominicains. Toulouse se révolta en 1234. L’exécution de quelques chefs hérétiques entraîna une explosion de violence. Les capitouls, c’est-à-dire les magistrats de la ville, se mirent à la tête des révoltes populaires. Le 6 novembre 1235, les dominicains furent chassés de la ville manu militari. L’évêque Raymond de Felgar rejoignit les dominicains et jeta l’anathème sur les capitouls excités et les hérétiques dans leur ensemble. Le pape Grégoire IX somma le comte de Toulouse d’intervenir. Raymond VII, contraint désormais de se soumettre au pape, rétablit l’évêque dans son diocèse. Malgré le traité de Paris, dans la pratique, la pacification du Midi du royaume n’était pas une mince affaire. 

    Les barons encore actifs contre la couronne

    Blanche de Castille soupçonnait à nouveau la formation d’une ligue des grands barons du royaume contre la couronne. L’autorité qu’avait Blanche de Castille sur les affaires du royaume leur était insupportable. Le comte de Champagne, Thibaut, faisait partie de la coalition mais sa personnalité ne collait pas à celle, agitée et virulente, des autres barons. Thibaut était un poète, un troubadour aux mœurs exquises alors dès que Louis IX et Blanche de Castille montrèrent des signes de puissance devant le bois de Vézins aux confins de la Champagne avec l’ost royale, Thibaut supplia la reine, qu’il affectionnait tant, de lui pardonner son zèle excessif. En signe de bonne volonté, il donna les châteaux de Bray-sur-Seine et de   à la couronne. La menace champenoise était écartée, sans trop de difficulté, mais les barons de Bretagne et de la Marche et d’Angoulême s’étaient engagés mutuellement envers le roi d’Angleterre à se défendre les uns les autres en cas de menace. La trêve entre le royaume de France et d’Angleterre, qui avait été signée quelques années auparavant, fut prolongée de cinq ans. Voilà le royaume de France à l’abri des barons agités pendant un temps. 

    Blanche de Castille fonde l’abbaye de Maubuisson

    La reine-mère Blanche de Castille, depuis le 25 avril 1236, n’était plus régente du royaume de France, même si son aura rôdait toujours autour du trône. Louis IX, devenu un homme aguerri, pouvait compter sur les conseils et les recommandations de sa chère mère. Le 18 mai 1236, en cette semaine de Pentecôte, Blanche fonde l’abbaye de Maubuisson près de Pontoise dans le Val d’Oise. Elle a tenu à installer, dans l’abbaye à peine achevée, des moniales. Elle donna à cette abbaye le nom de Notre-Dame-la-Royale, en l’honneur de la sainte vierge Marie, sainte patronne du royaume de France. Elle affectionnait tant cette abbaye qu’elle fit le vœu d’y être inhumée. 

    Les Juifs et la papauté

    Dès l’année 1223, le roi Louis VIII avait, par une ordonnance, interdit aux Juifs du royaume de pratiquer l’usure. En décembre 1230, à Melun, lors d’une assemblée générale des princes, Louis IX, épaulé par sa mère et ses conseillers, confirma cette ordonnance. Les Juifs n’ont plus la possibilité de percevoir des usures sur les prêts qu’ils auraient consentis. Dans une bulle du pape Grégoire IX, le 3 mai 1235, ce dernier interdit aux princes et aux rois de les maltraiter, de les baptiser contre leur gré. Les vexations commises par certains chrétiens à l’égard de Juif s entraîna peut-être le pape Grégoire IX, lors du concile de Tours, le  10 juin 1236, à interdire aux chrétiens de tuer les Juifs, de les battre ou encore de les spolier. 

    L’acquisition de la sainte Couronne d’épines

    Un événement important allait bouleverser le règne de Louis IX en cette année 1237. Le cousin du roi Baudouin II de Courtenay, qui deviendra empereur latin de Constantinople à sa majorité, fit le voyage vers le royaume de France pour demander de l’aide au roi de France. Jean de Brienne, empereur latin de Constantinople en attendant la majorité de Baudouin, affrontait avec beaucoup de difficultés les Grecs, qui ne finissent par laisser aux Latins que la capitale de Constantinople. Soudain Baudouin, arrivé à la cour de Louis IX, apprit deux mauvaises nouvelles. La première fut la mort de Jean de Brienne faisant de lui le nouvel empereur latin de Constantinople et la deuxième fut l’intention des barons latins de Constantinople, en manque cruel d’argent, de vendre la couronne d’épines, la plus précieuse des reliques de la Passion du Christ conservées à Constantinople. Quand Louis IX et Blanche de Castille apprirent la nouvelle, leur réaction fut à la hauteur de leur réputation. Le royaume de France allait acquérir ce précieux trésor. Débuta alors un fabuleux voyage de Constantinople à Paris. Baudouin, par l’intermédiaire de son émissaire, envoya une lettre à Constantinople demandant aux barons de remettre la couronne d’épines aux émissaires envoyés par Louis IX ; le dominicain André de Longjumeau et d’un autre dominicain prénommé Jacques. Quelle ne fut pas leur surprise quand, arrivés à bon port, ils apprirent que les barons étaient tellement en manque d’argent qu’ils durent se résoudre à emprunter de l’argent à des marchands-banquiers vénitiens avec la couronne d’épines en guise de gage. Si au 18 juin 1237 la relique n’a pas été rachetée, cette dernière deviendra la possession des vénitiens. Fort heureusement pour le roi et la France, les émissaires arrivent à temps et les Vénitiens, après de rudes négociations, acceptent, à Noël 1238, de remettre la prestigieuse relique au roi de France. Les Vénitiens exigèrent cependant une chose : que la relique passe par Venise avant de se rendre à Paris, espérant ainsi faire bénéficier à la ville d’un prestige passager. La prestigieuse relique prit la mer en direction de Venise et fut exposée dans la chapelle Saint Marc. Le frère André veille avec une grande attention sur la relique pendant que le frère Jacques s’empressa d’aller annoncer à son roi Louis IX, l’arrivée de la couronne à Venise. Il s’en retourna à Venise avec une somme colossale pour finaliser la transaction. La dernière partie du voyage se fera par voie terrestre protégée par la divine Providence. De Venise à Paris aucune intempérie ne fut à déclarer en journée pendant le transport de la relique. En revanche, pendant la nuit, quand la relique se trouvait à l’abri dans les hospices du royaume, la pluie tomba en abondance. Le 9 août 1239, Louis IX, sa mère Blanche, les frères du roi, l’archevêque de Sens Gautier Cornut, l’évêque d’Auxerre et bons nombre de chevaliers accueillirent le saint objet à Villeneuve-l’Archevêque dans l’Yonne. Les villageois, animés d’une immense joie, participèrent aux festivités. Après les vérifications de circonstance, Louis IX fut pris d’une vive émotion à la vue de la sainte couronne, les larmes coulaient sur ses joues. Le lendemain, le 10 août 1239, la relique fut transportée par Louis IX et son frère Robert, tels des pénitents pieds nus et en chemise, de Villeneuve-l’Archevêque jusqu’à la cathédrale de Sens et ensuite par bateau jusqu’à Vincennes où elle fut exposée au peuple. Puis, elle arriva au cœur de Paris, où elle fut transportée à nouveau par le roi et son frère Robert, toujours pieds nus et en chemise, suivis par une foule immense de prélats, chevaliers et bourgeois, à la cathédrale Notre-Dame le temps d’un instant. Elle finit sa course dans la chapelle Saint-Nicolas du palais de la Cité. 

    La croisade des barons

    Entre l’année 1228 et 1229, l’empereur du saint empire romain germanique Frédéric II mène la sixième croisade en Terre sainte contre les musulmans ayyoubides. Un accord avait été conclu entre Frédéric II et le sultan Al-Kamil, ce dernier acceptait de restituer Jérusalem aux Francs et une trêve fut conclue pendant dix ans. Le 8 mars 1238, le sultan Al-Kamil meurt laissant ainsi le royaume à ses fils qui ne manqueront pas de se déchirer entre eux. Le pape Grégoire IX, de son côté, nota l’expiration imminente de la trêve dix ans plus tôt. La Terre sainte était menacée. Le pape lança immédiatement un appel à la croisade en France et en Angleterre. Il ne pouvait malheureusement pas prêcher la croisade en terre d’Empire car il était en froid avec l’empereur Frédéric II. Les barons répondirent en masse à l’appel. Le comte Thibaut de Champagne fut promu chef de l’expédition. L’empereur Frédéric II ne voyait pas d’un bon œil la reprise des combats, lui voulait négocier avec les musulmans qu’il avait côtoyé voilà dix ans, alors il demanda aux chevaliers croisés de repousser leur départ d’un an, permettant aux diplomates de l’empereur d’agir. Mais son excommunication par le pape Grégoire IX en mars 1239 mit fin à ses ambitions. Les croisés mirent les voiles à Marseille et à Aigues-Mortes en août 1239 et débarquèrent à Saint-Jean-d’Acre le 1er septembre de la même année. La croisade, mal préparée, n’avait pas d’objectifs clairs. A peine avaient-ils débarqués que les musulmans prirent à nouveau la ville de Jérusalem et détruisirent les restes des fortifications. Le chef de la croisade, Thibaut de Champagne, refusait toute alliance avec les musulmans. Il proposa d’occuper Ascalon et d’en relever les fortifications, et de marcher sur Damas. Les croisés quittèrent Acre le 2 novembre 1239 en direction de Jaffa et d’Ascalon. Dans le camp musulmans, les dissensions faisaient rage. Les héritiers d’Al-Kamil se livraient une guerre sans merci. Malheureusement les francs ne profitèrent pas des désaccords musulmans et peinaient à se coordonner. Il faut signaler que depuis dix ans, le royaume n’avait pas de roi, chacun y allant de ses intérêts qu’ils soient barons, Vénitiens, Génois, Templiers, Hospitaliers, croisés, etc. C’est pourquoi le comte Thibaut de Champagne décida de signer la paix avec l’Égypte. En échange, il obtient la libération des chevaliers emprisonnés depuis la bataille de Gaza, puis la rétrocession d’Ascalon. Les croisés rentrent sur leurs terres en septembre 1240. Les chevaliers francs pouvaient être satisfaits des résultats de la croisade car le royaume de Jérusalem était quasiment revenu dans ses frontières d’avant 1187, date de la prise de Jérusalem par Saladin. 

    Mais sans roi pour assurer la sécurité du royaume, très vite, la ville de Jérusalem fut reprise par les musulmans. Pour défendre la Terre sainte, ce ne seront pas les barons mais le roi de France en personne, Louis IX, qui tentera, dix ans plus tard, de récupérer la ville sainte. Mais ça, ce sera au cours des prochains épisodes.