Attentat de Damiens contre Louis XV

François Damiens commet un régicide contre Louis XV

Le mercredi 5 janvier 1757, un froid glacial règne sur le royaume de France. Le roi Louis XV est au Grand-Trianon tout proche du château de Versailles avec une partie de sa cour. Rapidement, il s’en retourne au château de Versailles pour se rendre au chevet de sa fille, madame Victoire de France, alors souffrante. Ce jour-là, sur le chemin du roi, une foule de Parisiens était présente dans l’espoir d’obtenir une audience royale. Les gardes avaient la charge d’escorter le roi jusqu’au château. Quand soudain, un homme se détache de la foule, s’approche du roi et lui plante un petit couteau dans le flanc. Louis XV trébuche, se relève et pense s’être simplement fait bousculer. Sauf qu’il constate immédiatement sa main maculée de sang. Le roi croise le regard furieux de cet homme qu’il semble reconnaître, il s’appelle Robert-François Damiens plus communément appelé François Damiens. Connaissez-vous l’histoire de l’attentat de Damiens contre le roi Louis XV ? Non ? Je vous explique. 

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    La stupeur est totale. Le dauphin et quelques hommes se jettent immédiatement sur Damiens et le remettent aux gardes.

    « Qu’on l’arrête et qu’on ne lui fasse pas de mal ! » s’écria le roi.

    Damiens est emmené dans la salle des gardes où il est déshabillé, et soumis sur le champ à la question. Qui sont ses complices ? Quel est le mobile ? Qui est derrière ce complot ? Les gardes du roi cherchent à comprendre ce qui a poussé un homme à commettre un acte d’une telle gravité. Le régicide est le pire acte qui soit, c’ est un crime de lèse-majesté. Remettons-nous un instant dans le contexte de l’époque. Les ressentiments à l’égard du roi pouvaient venir de plusieurs endroits. D’un côté le royaume de France est en guerre contre la Grande-Bretagne et la Prusse depuis un an. De l’autre, les juges des Parlements sont en guerre ouverte contre Louis XV et ce, depuis le règne de Louis XIV. Les puissants et influents magistrats veulent partager le pouvoir avec le roi. Les Jésuites et les Jansénistes se livrent également une guerre sans merci. Des tensions réelles subsistent dans cette société du XVIIIe siècle. Pendant que Damiens, qu’on avait amené dans une geôle près de Versailles, subissait les affres de la torture, le roi Louis XV, pensant sa fin venue, demanda à ce qu’on fasse venir son confesseur dans ses appartements. Sa crainte n’était pas justifiée puisqu’il se remit finalement vite de sa blessure. Damiens n’avait fait que blesser le roi. 

    François Damiens : un catholique fervent

    Qui était François Damiens ? Ce fils de paysan, âgé de 42 ans au moment des faits, était originaire de l’Artois dans le Nord du royaume et était un catholique fervent. Après s’être mis au service d’un militaire quelque temps, il en revient traumatisé et se propose aussitôt comme domestique chez les Jésuites à Paris. Quand il rencontre Elisabeth, une belle irlandaise cuisinière de profession, il l’épousa et quitta son poste comme le stipulait le règlement. Chez les Jésuites, tous les domestiques devaient être célibataires. Il avait une fille, Marie, âgée de 18 ans au moment des faits. Il réussit rapidement à retrouver un emploi de domestique chez quelques magistrats du Parlement de Paris dont certains, jansénistes, étaient particulièrement hostiles au roi. Le voilà sans le vouloir au centre des querelles qui ont cours entre les magistrats du Parlement de Paris et le roi. 

    Revenons à notre affaire. Depuis son geste du 5 janvier, Damiens est reclus à Versailles. La prévôté de l’Hôtel du roi organise l’instruction du procès. Le Prince Emmanuel de Croye, commandant militaire, est chargé d’enquêter sur Damiens, il rend son premier rapport dès le dimanche qui suit l’attentat. Selon de Croye, Damiens a été pris d’un moment de folie mais est tout sauf fou. Dès les premiers jours de l’enquête, des irrégularités subsistent ; des pièces du dossier disparaissent, des interrogatoires originaux manquent. Par exemple, l’ancien maître de Damiens, le comte de Maridor, lors de son interrogatoire, déclare que Damiens avait, voilà cinq ans, écrit au lieutenant-général de police Nicolas René Berryer, fou de rage, pour le menacer suite à l’enlèvement de sa fille Marie. Elle ne fut pas la seule puisque en 1750, une révolte populaire avait éclaté à Paris suite à une série d’enlèvements d’enfants par la police. La fille de Damiens en faisait partie, elle avait été retrouvée au dépôt de la rue Saint Martin au milieu des prostituées. Nicolas-René Berryer ordonnait à ses hommes d’enlever des enfants dans la rue et de les amener soit à l’hôpital Bicêtre pour les garçons, soit à la salpêtrière pour les filles. Les deux institutions étaient sous la tutelle exclusive des magistrats du Parlement de Paris. Fort heureusement, beaucoup de ces enfants avaient été retrouvés par leur famille. La déposition, qui ne fut pas prise au sérieux par les magistrats, ne figurait pas dans le dossier.

    Dès le 15 janvier, Louis XV décide, après avoir subi des pressions du Parlement de Paris, de faire transférer Damiens à Paris. La prévôté de l’Hôtel du roi passe donc la main aux magistrats parisiens. Damiens fut transféré de Versailles à la Conciergerie à Paris dans la nuit du 17 au 18 janvier 1757. Un des magistrats, qui va interroger Damiens, est celui-là même qui avait été juge en 1750 lors de l’affaire des enleveurs d’enfants. Il faut bien avoir à l’esprit que les magistrats du Parlement de Paris étaient en grève au moment des faits depuis fort longtemps et subitement ils déploient une énergie folle pour obtenir du roi, qu’ils combattent depuis près de 40 ans, l’autorisation d’instruire le dossier. Les juges, d’obédience jansénistes pour la plupart, font tout pour que Damiens admette l’existence d’un complot jésuite même s’ ils savent pertinemment, grâce à l’enquête du prince de Croye, qu’il n’en est rien. 

    Damiens, de par son métier de domestique, vivait dans l’entourage proche des hommes de cours. Il avait été entre autres le domestique du Marquis de Marigny, le frère de Mme de Pompadour, la maîtresse du roi. Mais étrangement, tout ce qui concernait l’enlèvement de Marie, la fille de Damiens, et du Marquis de Marigny, le maître de Damiens, ne figure pas dans le dossier. Inutile de préciser que nous sommes face à un procès truqué. Que voulait-on cacher ? Nous savons que la Pompadour, à cause d’un souci de santé, n’était plus en capacité d’offrir ses charmes au roi. Avec la complicité de son frère Marigny, elle décida alors de présenter des jeunes filles à Louis XV. Damiens en avait forcément eu connaissance. Il semblerait que Damiens, scandalisé par ce qu’il entendait et voyait, ait voulu mettre en lumière une sombre affaire de mœurs. 

    Le 26 mars 1757, Damiens, qui voulait visiblement donner un avertissement au roi, est condamné pour régicide. Deux jours plus tard, le 28 mars, Damiens est conduit à la place de Grève où son corps fut tiré et démembré à l’aide de quatre chevaux puis ses membres et son corps furent consumés par le feu. Ses cendres furent jetées au vent. Après son trépas, sa maison natale fut rasée, sa femme, sa fille et son père furent bannis du royaume, sous peine de mort s’ils leur venait à l’idée de revenir. Toute la famille de Damiens fut contrainte de changer de nom. Même si le roi, dans un élan de bonté, accorda à la famille une pension afin de leur éviter la misère, Louis XV, passera après cette affaire du statut de roi Bien-Aimé à celui de Mal-Aimé. Il ne remettra d’ailleurs plus jamais les pieds à Paris.  A bientôt